Ces paroles inspirées de lectures, de rencontres, de réflexions et de sa propension à jeter un regard critique sur la société qui l'entoure, Guy les offre aux créateurs de musique à la recherche de textes significatifs.
« La chanson… c’est un vivant petit oiseau sensible et intelligent dont l’univers est la cour, il connaît et ressent tout mais en petit, c’est très parent avec le conte et la fable. » – Félix Leclerc
Périclès, homme d’État athénien (495-429 av. J.-C.), disait ceci : « il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage ». Que la liberté procure du bonheur, nul n’en doute. Qu’elle exige du courage (courage qui dérive du mot cœur et qui signifie force d’âme), voilà qui ne convainc pas toujours les modernes que nous sommes. Pourtant…
Dans nos démocraties, par exemple, jouissons-nous pleinement de notre liberté? Faisons-nous preuve de courage? L’inspiration de Vivre de liberté me vient d’un texte du philosophe politique Alexis de Tocqueville, écrit en 1840, dont voici un extrait :
« Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d'être conduits et l'envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l'un ni l'autre de ces instincts contraires, ils s'efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d'être en tutelle, en songeant qu'ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. » (Démocratie comme despotisme)
Près de deux siècles plus tard, où en sommes-nous? Sans doute devant le même dilemme. Les humains changent peu, l’histoire le démontre… Il faut cependant admettre que le contexte a changé et la liberté, disons-le, se montre maintenant sous plusieurs apparences. Ayant obéi à son penchant pour la facilité, le citoyen d’aujourd’hui, plus individualiste, s’est taillé sur mesure une société qui lui fournit quantité de petits bonheurs nourrissant en lui un agréable sentiment de liberté qu’il confond souvent avec la liberté elle-même. La plupart du temps, il s’en contente! Il aime posséder, il consomme souvent avec excès, il se divertit à souhait, il se fait valoir de brillantes façons, il mesure son bonheur à la hauteur de l’intensité de ses sensations ou de la satisfaction de ses désirs. Il s’étourdit librement, jusqu’à s’abrutir parfois, si bien qu’il oublie que la liberté, dans sa plus haute valeur, se trouve ailleurs. Où se trouve-t-elle? Elle se trouve là où son agir l’engage pleinement et l’appelle à sa responsabilité, et ce, tant sur le plan individuel que collectif. Cette liberté-là exige force d’âme et le bonheur qu’elle procure est indicible. Ne jamais y faire appel, c’est risquer de devenir morose, indifférent, tolérant à l’intolérable…
Vivre de liberté
Je n’ai plus tout à fait
L’étoffe d’un homme
Je me vends au rabais
Au diable va mon âme
Je me fonds aux objets
Ma valeur a un prix
J’y trouve une paix
Que je paie de ma vie
Sur cette terre accablée
Ne restent que des humains
Trop peu, trop peu enclins
À vivre de liberté
J’ai perdu tout espoir
D’un monde plus humain
Je me laisse déchoir
Comme si venait la fin
Je n’arrive plus à croire
Que j’ai entre les mains
Le réel pouvoir
De changer ce destin
Prisonnier des rouages
Que j’ai su fabriquer
Je me suis fait l’otage
De mon avidité
Ne me reste en gage
De mon humanité
Que le seul courage
De vivre ma liberté…
Mais ai-je le courage
De vivre ma liberté?
Sur cette terre accablée
Ne restent que des humains
Trop peu, trop peu enclins
À vivre de liberté
Et moi ai-je le courage
De vivre ma liberté?
Et moi ai-je le courage
De vivre ma liberté?