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Mes frères et mes sœurs

 

Marcel Bernardin

 

Marcel, né le 6 novembre 1922, a dû arrêter ses études pour aider son père aux travaux de la ferme, ainsi que pour faire de la menuiserie et construire des écoles, ce qui finalement devint l’occupation principale d’Adonaï et de tous les garçons (et Fleurette), et a servi à chacun de point de départ dans la vie.

 

Le plus vieux de la famille aida son père à s’établir sur la ferme et à apprendre le métier de charpentier. Ensemble, ils ont construit un bon nombre de maisons, d’écoles, de presbytères, etc. dans tout le Manitoba.

 

L’emplacement de Marcel était l'endroit où était située l'ancienne étable de  mon père. Quand ils ont construit l’étable actuelle, ils ont transporté une partie du toit en un seul morceau. Avec les chevaux et des poulies, ils l’avaient monté à la hauteur de l’étable pour l’installer sur la nouvelle étable; pour une raison ou une autre, je ne sais pas si un câble a cassé, mais ils l’ont échappé et le toit est passé au travers de l’étable et s’est effondré sur le rez-de-chaussée. J’étais un p’tit gars dans ce temps-là, ça devait être dans les années 1937-38.

 

Il avait été exempté de la Deuxième Guerre mondiale pour travailler la terre et de plus, il n’avait pas une bonne santé. Il allait souvent manger un bol de soupe chez Angèle avant de se rendre chez lui pour prendre son repas. Il était marié à Antoinette Dupuis, de Saint-Jean-Baptiste. Elle lui donna six filles, comme elle disait si bien « dans la langue et la foi de nos pères ». Elle a terminé son école normale et enseignait à l’école Chabot dans les cantons de Saint-Eustache. Après une vie de travail, il prit sa retraite et continua ses multiples métiers. Il s’est adonné à son passe-temps favori, « gosser du bois », faire des sculptures sur bois de tout genre. Il devint habile avec les animaux sauvages. Leur famille compte six filles : Marcella, Colette, Jocelyne, Élaine, Dianne et Danielle décédée à l’âge de 21 ans, le 18 janvier 1982.

 

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Le premier tracteur conduit par Marcel

Raymond Bernardin

 

Raymond est né le 7 février 1924 et décédé le 13 mai 1954. Lui aussi a participé aux travaux de la ferme pour apprendre le travail. Il est allé au chantier avec Marcel à Kapuskasing en Ontario, lui, comme aide-cuisinier (le travail était moins dur). À l’âge de 16 ans, son père alla le chercher deux fois aux Baraques de Fort Osborne où il cherchait à s’enrôler. La troisième fois, il l’a laissé là.

 

Souvent, Raymond s’évadait de son camp d’entraînement, faisait du « pouce » pour se rendre à Élie, fumait quelques cigarettes, les écrasait bien en vue sur le perron, pour être sûr que sa mère les voie. Elle savait alors qu’il était venu. Parfois, quand elle pouvait se le permettre après avoir reçu son argent de la vente de crème, elle lui laissait quelques piastres dans une cachette déterminée.
Il lui fallait ça, pas nécessairement la piastre, mais ce lien d’appartenance. Une fois stationné à Shilo pour de l’entraînement plus sérieux, il s’évadait de là aussi pour venir voir ses blondes d’Élie et de Winnipeg. Il « sautait » sur les trains de fret et quand le train s’arrêtait pour faire le plein d’eau à Élie, il pouvait courir chez nous (un demi-mille), fouiller dans ses cachettes et retourner « sauter » encore une fois sur son train, qui était déjà en marche, pour la fin du trajet. Souvent il était placé en détention, pour absence illégale.

 

Une chance pour lui que nous avions une tour d’eau, tout près de l’écluse sur la rivière LaSalle. Ça lui donnait de bonnes occasions pour agrémenter ses voyages durant l’arrêt du train. Après six mois, il était rendu au front en France comme éclaireur. Angèle a pleuré cette décision pendant bien des années, même après l’armistice. Être éclaireur lui donnait toute la liberté qu’il chérissait, mais il y avait aussi des désavantages. Il fallait trouver l’ennemi et avertir les pelotons qui suivaient. Comme il me disait, il fallait trouver les éclaireurs de l’ennemi avant d’être trouvé. Il s’est bien rendu compte que ce n’était plus un jeu d’enfant. Le jour, c’était dangereux et difficile, aussitôt que tu bougeais, tu recevais des balles. Le meilleur temps, c’était le matin ou le soir. Le matin, si l’ennemi s’était perché dans un arbre une partie de la nuit, il fallait bien qu’il descende pour faire ses petits besoins. Le soir, au coucher du soleil, la lueur à travers les feuilles dénonçait ses occupants. Après ses trois blessures, il fallut qu’il développe une technique de pointe, qui consistait à demeurer caché, à l’abri d’un gros arbre, les yeux bien grands et la bouche ouverte pour aider son ouïe à capter le moindre changement chaque fois qu’il osait risquer un coup d’œil.

 

La plus grande blessure ce n’est pas lui qui l’a eue. C’est Angèle qui l’a eue au cœur, de savoir son fils au front. Vers la fin de ses exploits, Raymond s'approchait d’un petit village dans le nord de la France nommé Pendé- sur-Mer, pas tellement loin de Sainte-Valérie, un petit port de mer au nord-ouest de Paris. Étant l’éclaireur du jour, il perça les frontières du petit village avec la poussière des Allemands dans les narines. Ce soir-là, après que le contingent canadien eût rejoint Pendé, le maire du village s’est assuré qu’il y aurait une fête, qui était de mise, et que le Canadien qui avait repoussé les Allemands soit bien récompensé. Le maire avait trois ou quatre filles qu’il présenta à Raymond. Raymond, sans tarder, a choisi Valentine et a fini par la ramener au Canada. Chaque fois que je suis retourné pour leur rendre visite (6 ou 7 fois), j’étais connu comme le frère du Canadien, et si on se rendait au bistro du coin, on se faisait payer la traite à volonté. Des années plus tard, quand j’ai rejoint Raymond à Edmonton, il était un des contremaîtres dans la construction du nouvel aéroport. Il me confia la raison pour laquelle il était revenu en tant que prisonnier sur le bateau jusqu’aux Baraques du Fort Osborne à Winnipeg.

 

C’était parce que lui, étant dans le bois comme éclaireur quand la guerre a pris fin, n’avait pas été averti. Apercevant un officier allemand avec une lignée de soldats canadiens derrière lui, Raymond le descend, pour apprendre ensuite la triste nouvelle qu’il avait tué un homme pour rien. Il n’était pas le seul, d’autres comme lui ont subi le même sort. Ils l’ont donc arrêté. En Angleterre, ils lui ont enlevé son statut militaire et il aboutit à Winnipeg sous arrestation. Quelques semaines plus tard, la sentence a été renversée et son statut a été rétabli.

 

Raymond et Valentine ont eu huit enfants de 1947 à 1959, en commençant par le plus vieux Raymond junior, Monique, Charles, Albert, Mercedes, Roland, Yves et Christiane. Cette dernière a pleuré pendant toute sa jeunesse. C’est peut-être pour cela qu’elle chante aujourd’hui!

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