Ces paroles inspirées de lectures, de rencontres, de réflexions et de sa propension à jeter un regard critique sur la société qui l'entoure, Guy les offre aux créateurs de musique à la recherche de textes significatifs.
« La chanson… c’est un vivant petit oiseau sensible et intelligent dont l’univers est la cour, il connaît et ressent tout mais en petit, c’est très parent avec le conte et la fable. » – Félix Leclerc
Dieu est l’objet d’une croyance et non l’objet d’un savoir. Le croyant ne saurait affirmer qu’il connaît son existence : il y croit, point. De même en est-il pour l’athée : il ne pourra affirmer avec certitude que Dieu n’existe pas. « L’athéisme, dira le philosophe Comte-Sponville (lui-même athée), c’est croire que Dieu n’existe pas. C’est donc une croyance comme une autre ».*
Cela dit, si la preuve de son existence ou de sa non existence ne peut être établie, rien n’empêche d’y réfléchir puisque l’idée de Dieu, elle, est profondément ancrée dans l’esprit humain. « La question de Dieu, dira le philosophe, nous est posée par notre finitude, par notre angoisse, par notre histoire, par notre civilisation, par notre intelligence, par notre ignorance même. Je ne peux ni prétendre qu’elle ne m’intéresse pas, ni feindre de n’avoir, sur la réponse, aucune opinion ».** Pas de foi ni d’athéisme sans l’idée de Dieu : les uns portent cette idée pour y croire, les autres pour en douter ou la réfuter. Je ferai référence à cette idée dans quelques-uns de mes textes, non pas sous l’angle de mes croyances ou incroyances personnelles, mais plutôt en tant qu’horizon possible inscrit dans l’esprit humain. Horizon dont on ne peut nier la portée sociale, notamment lorsqu’il est question de religion dans l’espace public. « On avait pourtant cru que la religion s’était éclipsée du discours public, et la voilà qui ressurgit » nous dit le politologue Sami Aoun dans son livre Le retour turbulent de Dieu – politique, religion et laïcité.
La chanson que je vous présente aujourd’hui a été écrite en partie lors d’un atelier d’écriture de chanson à Petite-Vallée, en Gaspésie. Le défi consistait à choisir un titre parmi les trois qui nous étaient proposés, pour jeter ensuite, dans un temps limité, les bases d’un texte de chanson. « Peut-être que Dieu est malheureux » est le titre que j’ai choisi pour relever ce défi. Le Dieu que nous présentent les religions « est trop beau pour être vrai », dira encore Comte-Sponville. Voici un Dieu qui porte sa part d’ombre et qui, en cela, ressemble drôlement aux humains que nous sommes. Quelque chose me dit que l’homme nouveau, convaincu et convaincant, a réussi à répandre son hommerie partout dans l’univers. Si Dieu existe, parions qu’Il doute de Lui-même !
Joyeuses Fêtes!
* Comte-Sponville, André, Le goût de vivre et cent autres propos, Albin Michel, 2010, p. 108
** Comte-Sponville, André, L’esprit de l’athéisme - Introduction à une spiritualité sans Dieu, Albin Michel (Livre de poche), 2006, p. 85
Peut-être que Dieu est malheureux
Peut-être que Dieu est malheureux
Peut-être qu’Il est tout à l’envers
Que sous Ses airs radieux
Il cache une grande misère
Peut-être qu’Il ne veut plus être Dieu
Qu’Il ne l’aime plus, son univers
Qu’Il S’est fait prendre à Son jeu
Puis qu’là Y’a juste envie de Se taire
J’le sais pas, j’le sais pas
Peut-être que Dieu est malheureux
Parce qu’Il voit bien de quoi ça a l’air
Quand on divise le monde en deux
D’un bord le ciel puis de l’autre l’enfer
Peut-être qu’Il se dit : « en tout cas,
J’sais pas c’que Je ferais si c’était à refaire »
Parce qu’en voyant le résultat
Y’est pas convaincu de son affaire
J’le sais pas, j’le sais pas
Peut-être qu’on n’a pas fait notre part
Pour nous occuper de notre terre
Puis qu’Il S’est dit : « OK d’abord »
Puis qu’Y’est parti bin en colère
Peut-être aussi qu’Il nous ignore
Parce que maintenant Il considère
Que c’est à nous d’faire un effort
Pour nous sortir de la misère
J’le sais pas, j’le sais pas
Peut-être que Dieu n’en revient pas
Parce qu’Il trouve qu’on exagère
Et qu’Il se dit « avoir su ça
Je m’en serais pas fait un calvaire »
Peut-être que Dieu se dit tout bas :
« Combien ça vaut un univers »
Puis s’Il ne se retenait pas
Il vendrait tout ça aux enchères!
J’le sais pas, j’le sais pas
Peut-être qu’au fond Il aimerait ça
Se convertir en homme d’affaires
Vivre quelque part aux États
Devenir un puissant milliardaire
Peut-être qu’Il se dit « pourquoi pas?
Y’aurait sûrement une piastre à faire
J’investirais aux Bahamas
Y paraît que c’est bin populaire »
Peut-être qu’Il nous annoncera
Quand Il reviendra sur la terre
Que le paradis sera ici-bas
Tant qu’il y aura une piastre à faire!
Oui, tant qu’il y aura une piastre à faire!
Tant qu’il y aura une piastre à faire!
Peut-être que Dieu est malheureux
Peut-être que Dieu est malheureux…