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À l’aube de 2007, année des 18 ans d’Élianne, la vie est belle. On peut dire d'Élianne qu’elle est privilégiée. Pas du privilège des bien nantis, des gens haut placés, non, celui qu’on tient pour acquis jusqu’à ce qu’on le perde : le privilège tout naturel d’un être jeune, en santé, doté d’une famille aimante et qui sait que  tout effort mènera au succès. L'effort dans les études mènera à un bon emploi, l'effort dans les sports mènera à une place de choix parmi l’élite sportive... Bref, un talent inné, une situation économique confortable et le soutien de son entourage font d’Élianne un être à qui la vie sourit. Elle étudie en bio-écologie et se dirige en biologie marine. Elle est athlète en vélo de montagne, a un amoureux et part pour le Mali visiter son frère et sa famille... Élianne est heureuse. Jusqu’à la journée fatidique où sa vie bascule.

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La veille de son anniversaire, en route pour aller célébrer en compagnie de ses amies, la voiture dans laquelle Élianne prend place est emboutie par une personne en état d'ébriété. La vie d'Élianne est en suspens durant de longs mois au cours desquels sa maman tient les membres de sa famille et les amis proches au courant de l'évolution de la situation en les implorant de prier pour que sa fille revienne dans le monde des vivants. Ce récit est tiré des écrits de Jocelyne, la maman d'Élianne.

Les textes de cette chronique proviennent d'extraits de courriels envoyés à la famille par Jocelyne, sa maman. L’histoire d’Élianne m’a bouleversée et je voulais vous donner la chance de la lire. Pour vous faire connaître Élianne, nous débutons par son voyage au Mali avec Jocelyne.

TABLE DES MATIÈRES

ÉLIANNE

Voyage au Mali

Voyage au Mali

2 janvier 2007

Élianne et moi partons lundi pour le Mali rejoindre Yves et Charlotte qui sont installés là pour un an avec les enfants : Samuel qui a 6 ans et Fabiola, la filleule d’Élianne, 18 mois. Nous nous installerons chez eux à Bamako pour 3 semaines et, à partir de là, nous rayonnerons tout autour. Nous avons bien hâte de visiter ce pays. En plus, nous aurons la chance de visiter le pays Dogon avec Issa, un guide local et le gardien de la maison, lui-même Dogon.

 

7 janvier

 

Le plancher de ma chambre est plein de choses à mettre dans les valises demain matin, j'espère que tout va entrer là-dedans. J'ai fait de gros efforts de « rationnalisation »! La section « premiers soins » déborde. Nous sommes parées à toute éventualité ou presque.

 

10 janvier

 

J’essaie de vous écrire pendant qu’un vilain moustique infecté de malaria me tourne autour. Il a vite repéré la chair fraîche! Après un périple de 30 heures porte à porte... (NOTE : JE VIENS DE TUER LE FAMEUX MOUSTIQUE), nous sommes bien arrivées.

 

Élianne a vécu sa première journée en Afrique en allant au petit marché avec Charlotte.

 

11 janvier

 

Je vous écris pendant qu'Élianne et Charlotte sont allées prendre le thé avec le gardien sur le trottoir. Élianne avait une grande envie de JASER avec du monde de la place.

 

Ce matin, nous sommes parties les 3 filles ensemble, et nous sommes allées au grand marché de Bamako acheter du tissu pour les boubous, Charlotte a dealé pour moi. Comme nous sommes allées tôt le matin, c'était pas pire et pas encore trop chaud.

 

J'ai eu mes 2 premières piqûres de moustiques ce soir. C'est pas pire. Vive la vitamine B1! Ça semble fonctionner. Élianne va se faire masser demain et nous irons peut-être au musée de Bamako. J’apprends chaque jour de nouveaux mots de bambara. Alors je vous dis : kambé (au revoir) et i ka kéné (comment allez-vous?). Ça veut dire : « Donnez-moi des nouvelles ».

12 janvier

 

Voici, nous avons été baptisées de nos noms maliens :

 

Élianne : Kadija Sy (Kadija voudrait dire née plus tôt que prévu, ce qui lui convient.)

Jocelyne : Fatoumata Sidabé

 

Élianne a reçu son nom d’un groupe de femmes de la rue ici, et moi, mon prénom m’a été donné par Mohamed de la boutique de chemises, et mon nom par Salif, le chauffeur de Yves.

 

Nous avons acheté nos billets pour Sévaré. Nous partirons lundi et de là, nous irons à Bandiagara en pays Dogon.

14 janvier

Au Mali, la devise doit être « y a pas de problème », car c'est ce que les gens répondent toujours! Ils sont souriants et aimables.

 

Nous perfectionnons notre bambara, quelques nouveaux mots se sont ajoutés à notre répertoire. Ce qui est difficile, ce sont les chiffres, car ils en ont peu et utilisent des multiples. Les fractions n'existent pas en bambara, nous ne pouvons demander un demi-kilo, la notion de fraction leur étant totalement inconnue. Il faut demander 500 g.

 

Hier, je suis allée au marché de légumes avec Charlotte . En fait, nous avons acheté seulement des légumes au marché car personne n'aurait voulu acheter la viande ou le poisson qui s'y trouvait (inutile de vous décrire avec précision l'odeur). Après, nous avons apporté nos tissus chez le tailleur pour la confection des boubous. C'est sûr que les 3 gars étaient bien contents de prendre les mesures d'Élianne!

 

Nous partons demain matin à 7 h, en bus, pour Bandiagara, en pays Dogon. Nous arriverons à Sévaré à 16 h 30, puis nous prendrons un autre bus jusqu'à Bandiagara.

 

Alors : nébéfé, kanata, kaneto (signifiant je t'aime, ne pars pas sans moi), tiré d'une chanson d'Amadou et Maryam.

20 janvier

 

J'en ai pas mal long à vous raconter. Tout d'abord, nous sommes parties comme prévu lundi en bus local pour Sévaré, puis nous avons changé de bus pour Bandiagara en pays Dogon. Le voyage s'est bien passé, mais sans notre guide, nous aurions été beaucoup plus « achalées » par les vendeurs et autres types de cet acabit.

 

En parlant de vente, j'aurais pu moi-même réaliser une opération fort lucrative en vendant... MA FILLE! J'ai eu deux offres dont la dernière plutôt sérieuse : 20 chameaux et de l'or. Dire que j'aurais pu finir de payer mon hypothèque!

 

Mardi après-midi, nous sommes parties visiter deux villages Dogon, le premier étant un village de la plaine. Nous devions payer une cote au chef et prendre un guide du village. Nous étions suivies par une nuée d'enfants, surtout Élianne qui en avait 5 à chaque main...  fascinés par ses piercings. Par la suite, nous nous sommes rendues plus loin, dans un autre village où nous avons mangé un bon couscous de légumes, puis nous sommes montées dans la falaise voir les maisons « jouquées » tout en haut. J'ai rassuré notre guide qui s'inquiétait pour Élianne. Il avait peur qu'elle tombe, mais je lui ai dit qu'elle était comme une chèvre et grimpait depuis son enfance.

 

Le soir, nous avons mangé au resto du bel hôtel (le Kambary), même si nous avons dû changer d'hôtel, faute de place. Il y avait un groupe de musique local et Élianne et Charlotte ont dansé avec les filles de la place (serveuses et autres employées).

 

Mercredi matin, départ pour Tabitongo, situé dans la plaine, par un petit chemin très peu praticable. En fait, nous roulions sur le rocher et je crois que Cheik, notre chauffeur engagé depuis la veille, était un peu découragé des conséquences pour sa TRÈS vieille Toyota. Nous avons fait 5 km sur cette route, puis Élianne est descendue faire un petit jogging devant la voiture, histoire de se dégourdir. Nous ne pouvions pas la suivre! Cheik et Issa étaient inquiets qu'elle se fatigue... et assez impressionnés de la voir aller!

 

Bien sûr, nous avons été reçues comme des reines. On a déployé les nattes par terre pour que nous puissions nous asseoir à l'ombre de la maison. Nous avons fait le tour du village avec Issa et d'autres, plus la nuée d'enfants fascinés par les toubabs. Au début, ils avaient peur (ce n'est pas une place touristique et ils n'ont pas l'habitude de voir des blancs), mais ils se sont dégênés à la vue des bonbons de Charlotte.

 

Nous avons visité les champs d'oignons, spécialité de la région. Élianne s'est même mise  pieds nus pour « piler » les oignons avec eux! La femme d'Issa a cuisiné pour nous : du riz aux tomates, du poisson avec des aubergines et des piments. C'était très bon et servi à l'africaine dans un grand plat commun. Il y avait cependant des cuillères pour les toubabs. Nous avons rencontré le plus vieil homme du village. C'était assez fascinant d'assister aux salutations d'usage quand les gens se rencontrent : en gros c'est « comment allez-vous? comment va la famille? », etc.  et les réponses appropriées, un peu comme une récitation.

 

Nous avons quitté Issa, sa famille et son village avec plein de belles images dans la tête et... un petit quelque chose dans notre système digestif!

Nous avons été pas mal malades, toute la nuit et la journée du lendemain. Nous avons dû changer nos plans et renoncer à aller à Mopti. Nous n'étions pas en état et cela impliquait de voyager dans des transports sans toilettes, chose essentielle à ce moment-là pour notre survie! Nous avons fait capoter la fille de l'hôtel avec nos demandes de papier-cul. Charlotte a dû leur expliquer qu'elle avait deux malades sur les bras. Tout Bandiagra a fini par savoir que nous étions malades, car une bande de jeunes hommes bien intéressés par Élianne espéraient l'amener à sortir au spectacle le soir, et ils ont été bien déçus qu'elle en soit incapable. (Inutile de vous dire que Charlotte devait l'accompagner afin de réfréner les ardeurs de ces messieurs.) Jeudi soir, je me suis résignée à donner des Immodium à Élianne, afin qu'elle puisse supporter le trajet du lendemain.

 

Nous avons passé la semaine à nous promener autour et à visiter le musée de Bamako. Nous avons aussi vu Ségou sur le chemin du retour de Bandiagara. Nous irons sûrement au marché acheter des souvenirs et nous reposer. Ce matin, nous devons aller chercher nos boubous. J'ai hâte de voir çà.

 

Mon bambara s'améliore. Nous connaissons maintenant une vingtaine de mots et un peu de dogon aussi : agayamo (bonjour) dolopo (merci) et dagao (c'est très bon).

 

ALLAH KAN NOKOYA (que Dieu vous donne la santé)!

24 janvier 2007

Je profite qu'Élianne et Charlotte (Safiatou) soient à l'équitation ce matin pour réquisitionner l'ordi et vous transmettre, en vrac, quelques impressions. J'ai préféré me dispenser de monter à cheval. C'est avec une selle anglaise (donc sans pommeau) et ma dernière expérience, à Cuba, fut désastreuse pour mon c....

 

LES RUES DE BAMAKO : Bamako est une très, très grande ville, très étendue, des deux côtés du Niger (le fleuve). La plupart des rues sont en terre et les plus grandes sont asphaltées. Ici on appelle les rues asphaltées « le goudron ». La circulation est infernale. Tous les moteurs sont au diésel, ce qui signifie que l'odeur est un mélange de diésel, d'huile et de terre rouge. (On est en saison sèche. Il n'a pas plu depuis septembre. C'est donc très, très poussiéreux). Il y a un grand réseau de transport en commun les SOTROMA. Ce sont des mini-bus (plutôt genre éconoline tout décrépit, sans portes ni fenêtres et tout rouillés) dans lesquels s'entassent littéralement les gens mais qui leur permet de se déplacer à relativement bon compte. Ce réseau est très, très achalandé. Je ne suis pas encore assez Malienne pour l'utiliser . Je m'en tiens à Salif ou aux taxis qui sont ici très nombreux mais en aussi mauvais état que les sotroma. Les sotroma sont verts et les taxis généralement jaunes. Il y a énormément de motos, tout plein, full, partout, partout. Je serais bien incapable de conduire au milieu de tout cela. Yves le fait, mais pas Charlotte. Partout, partout... des vendeurs... entre les voies, sur les trottoirs, dans les caniveaux (je vous passe le détail de l'état des caniveaux et c'est pas si pire puisqu'ils sont à sec), devant chaque devanture, dans les rues. Ils vendent de TOUT, des kleenex, des souliers, des cartes de téléphone, des cigarettes, etc. Ils se faufilent entre les voitures et vous proposent leurs marchandises pendant qu'elles sont arrêtées et elles le sont souvent! Toutefois, ils ne sont pas trop insistants et s'en vont quand nous disons (non) akagni (c'est bon). Depuis quelques jours, les vendeurs de casques de motos sont apparus, le gouvernement ayant décrété que le port du casque serait obligatoire. (Bonne chance pour faire respecter cela!) Naturellement, il paraît que le prix des casques a bondi!

LA CORRUPTION : Je sais qu'elle existe partout, à tous les niveaux de fonctionnaires et de direction car on m'en a beaucoup parlé. Ce que j’ai vu : sur les routes du Mali (comme entre Bamako et Bandiagara), il y a partout des « contrôles » policiers. La route est fermée par des barils et tous les véhicules (sauf les voitures de toubabs et les Mercedes), autobus, mini-bus, sotroma, taxis, voitures privées doivent s'arrêter et les occupants doivent montrer leurs papiers.

 

C'est une façon de s'assurer que les documents d'identité et du véhicule sont en règle, mais surtout une occasion de toucher un « pourboire » pour les forces policières. À chacun de ces contrôles, et il y en a eu au moins 10 sur notre route, j'ai remarqué une Mercedes garée. C'était bien sûr celle du chef de police qui ne l'a certainement pas payée avec son misérable salaire! Ces arrêts sont une occasion pour tous les gens des alentours de venir vendre leurs marchandises : petits gâteaux, eau, jus, thé, fruits de toutes sortes, kleenex. C'est une bonne façon de s'approvisionner si on a oublié son lunch, mais ils sont plus insistants qu'à Bamako. Heureusement, le prochain véhicule qui s'arrêtera aura lui aussi droit à leur assaut. Ça soulage! Quand nous sommes arrêtés, nous souhaitons que ça ne dure pas trop longtemps, car il fait chaud (le soleil plombe alors sur le véhicule sans climatisation) et ça pue!

 

Autrement, je continue ma « job de matante ». J'ai montré à Fabiola (18 mois) à répondre à mes questions : « Elle est où maman?  Elle est où Jojo? Elle est où Élianne? » par « ELLE EST LÀ », ce qu'elle est toute fière d'avoir compris. Là j'essaie le chaud et le froid, car tout ce qui présente un écart de température est CHAUD pour elle! Nous verrons si elle pourra dire FROID d'ici mon départ. En passant, quand je sors une bière du frigo pour lui faire sentir le froid en la collant sur son épaule, elle la montre en disant « papa ». C'est quand même intelligent ces petites bêtes-là!

 

À bientôt, nous revenons dimanche soir. J'ai quand même hâte de faire de la raquette.

27 janvier 2007

DÉJÀ FINI... snif, snif!

 

Et oui, toute bonne chose a une fin comme on dit, et ce matin est la journée du départ. Nous avons quand même le temps de profiter de la journée puisque le vol est à 23 h 20. Nous irons souper avec Yves et Charlotte et leurs amis au resto du Centre culturel français où ils resteront (LES CHANCEUX) pour voir le spectacle de Salif Keita. Nous manquons ça de justesse!

 

Le temps se réchauffe. Je ne dis pas qu'il faisait froid avant, mais depuis cette semaine, il fait probablement autour de 37°C, heureusement qu'il y a la piscine. C'est la fin de la saison froide (décembre-janvier) et le temps va se réchauffer jusqu'à 46°C en mars-avril-mai. Pas de pluie attendue avant juin. Trop chaud pour mes hormones de quarantaine avancée!

 

Nous avons passé notre dernière semaine à nous reposer et à visiter les alentours. Nous avons vu le Musée National du Mali où il y a de belles expositions d'arts rituels (masques, etc.), de textiles (bogolan, bazin, tissages divers) et de découvertes archéologiques. (À noter que la majorité des sites ont été pillés). Nous avons fait le marché des antiquaires. C'est toute une aventure les marchés ici, mais nous avons choisi celui-là car il paraît que les commerçants y sont moins insistants. C'était pas si pire et nous avons trouvé quelques petites choses à notre goût. J'ai même reçu ma première proposition : Mamadou, marchand, m'a dit que je devais aussi avoir un mari au Mali! Les Maliens ont souvent un bon sens de l'humour et nous pouvons faire des blagues avec eux facilement. Cela aide à refuser les propositions sans offusquer personne. Nous avons aussi dîné deux fois avec Yves à de bons restos pour toubabs (et prix en conséquence).

Le quartier où travaille Yves est au centre de Bamako, le quartier du fleuve. Avec le quartier de l'hippodrome, ce sont les beaux quartiers de Bamako.

Veille de l'anniversaire des 18 ans d'Élianne

Jeudi 17 mai 2007, 5 h 25 (heure de Montréal)

 

LA CHANSON DES AURORES SERA DÉDIÉE À MON BÉBÉ QUI AURA 18 ANS,  ET... AU MALI!

 

Ceux qui sont loin peuvent l'écouter en direct par Internet. Je ne connais pas l'adresse pour y aller directement, mais c'est sur le site de Radio-Canada, puis on clique sur Radio, puis sur Première chaîne, puis sur Émissions, puis sur C'est bien meilleur le matin.

 

Aussi, nous pourrons la réécouter pendant la journée si nous l'avons manquée. Il faut écouter la première heure, du moins on pouvait le faire l'an dernier, mais je n'ai pas vérifié pour cette année. 

 

C'est une invitation spéciale à mes amis « maliens », ainsi qu'à toute la « famille » d’Yves et de Charlotte.

 

Donnez-moi des nouvelles,

 

Jocelyne

Message de Charlotte

21 mai, 5 h 54

 

Ma nièce Élianne est dans le coma depuis samedi soir. Son cerveau est enflé, il faut qu'il désenfle!

 

SVP unissez vos pensées, envoyez-lui du courage et la force de combattre, et encouragez-la!

Merci de tout coeur.

Charlotte

L'accident

L'accident

Le mardi 22 mai 2007

Premièrement, pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, Élianne a eu un grave accident d'auto samedi soir dernier (le 19 mai). Elle était allée fêter son anniversaire avec trois copines au Bourbon à Sainte-Adèle. Au moment de tourner pour entrer dans le stationnement du bar, leur voiture a été emboutie à l'arrière par une dame en état d'ébriété. On sait que c'est une récidiviste de l'alcool au volant. Les trois autres filles n'ont presque rien eu. Élianne a eu un grave traumatisme crânien, car elle était assise à l'arrière, du côté de l'impact. Elle avait bouclé sa ceinture. Son cerveau a rebondi dans sa boîte crânienne. Elle était déjà inconsciente à l'arrivée des ambulanciers.

 

Elle est depuis ce temps à l'Hôpital Sacré-Coeur où elle lutte pour sa vie. Elle est dans un coma profond, et les médecins la gardent dans le coma avec des médicaments très puissants (barbituriques), afin de mettre son cerveau au repos complet. Le principal problème pour les prochains jours c'est que le cerveau enfle et enfle. Les médecins doivent d'abord arrêter l'enflure. Comme c'est surtout le côté droit qui enfle, ils savent que le « pic » de l'enflure peut être vers 3 ou 4 jours après l'impact.

 

Hier, elle a eu un épisode de très haute pression intra-crânienne. (Elle a un drain dans la tête qui mesure cette pression.) Les médecins sont intervenus et au bout de quelques heures, la pression est revenue à la normale. Ils continuent d'intervenir avec des médicaments pour l'instant, afin de mettre fin à l' enflure. Le docteur Verdant qui la suit est super bon, paraît-il, en plus d'être gentil. Je lui ai dit que je l'aimais! Il fait tout, il veut tout faire. Il dit qu'elle a un « hestie » de bon coeur, un coeur extraordinaire, un coeur à son goût pour les interventions qu'il veut tenter. Avec ce coeur a-t-il dit, « je peux faire tout ce que je veux, lui donner beaucoup, elle peut le prendre ». Ça veut dire qu'ils maintiennent par médication sa pression artérielle (générale, pas dans la tête) haute, afin que le coeur pompe le sang nécessaire à l'irrigation du cerveau malgré l'enflure. Il dit que son cerveau est présentement mieux irrigué de sang que le nôtre!

Ce matin, 5 h, l'infirmière m'a dit que la pression intracrânienne a tendance à monter depuis hier, mais toutes les 3 heures, quand ça remonte, ils lui donnent du mannitol et elle répond bien : la pression recommence à descendre. Je suis à la maison pour me faire un petit bagage, car je m'en vais à Montréal pour plusieurs jours. Je dormirai à l'hôtellerie des Soeurs de la Providence tout à côté. Je passerai tout mon temps à l'hôpital. Mon cellulaire sera bien sûr fermé, mais je prends mes messages régulièrement. Si ma boîte vocale est pleine, réessayez plus tard.

 

Je ne rappelle pas tout le monde, car je veux passer le plus de temps possible avec elle. Vous vous donnerez des nouvelles entre vous quand j'en enverrai. Si quelqu'un veut venir me voir, je serai à l'Hôpital Sacré-Coeur pendant les heures de visite. Vous ne pourrez pas voir Élianne, mais vous pourrez me tenir compagnie.

 

Et ça, c'est déjà beaucoup, car le temps est très long. Je peux être à son chevet quelques instants à chaque heure. Le reste du temps se passe dans un corridor sur de petites chaises très inconfortables. Le soir, j'y serai environ jusqu'à 21 h. Nico, son amoureux, assume le « quart du soir ». Il reste plus tard. Elle est aux soins intensifs. Si je ne suis pas dans le corridor, c'est que je suis dans sa chambre pour quelques minutes, ou à la cafétéria ou partie dîner chez mes petites soeurs de la Providence.

 

ALORS VOS PENSÉES DES PROCHAINS JOURS DOIVENT ÊTRE CENTRÉES SUR CE CERVEAU QUI CHERCHE À PRENDRE DE L'EXPANSION. C'EST LE DÉFI DU MOMENT, ET C'EST SUR CELA QUE VOUS DEVEZ VOUS CONCENTRER QUAND VOUS PENSEZ À ELLE.

 

Pour la suite, c'est un mystère total, TOUT peut arriver.

 

Je n'écrirai sans doute pas avant le prochain week-end, si je viens à la maison. MERCI À VOUS TOUS DE PENSER À ELLE.

Entre la vie et la mort

Entre la vie et la mort

23 mai 2007 au matin

 

Bonjour, c'est Renaud, voici des nouvelles de ma sœur Élianne. (C'est ma mère qui parle.)

 

Grâce à vos pensées positives et vos prières, l'enflure du cerveau s'est maintenue à un niveau acceptable. Mais d'autres complications surgissent et c'est vers cela qu'il faudra diriger toutes vos bonnes ondes et énergie aujourd'hui (sans oublier le cerveau naturellement). Les reins ont lâché et Élianne est présentement en insuffisance rénale transitoire, et sous dialyse. Elle a de l'eau dans les poumons. Le cœur capote! Le bon docteur Verdant veille et essaie de compenser toutes ces défaillances.

 

Dans sa chambre, j'ai mis des photos d'elle, pour l'aider à s'accrocher, pour qu'elle y flotte quelque part et pour que tous ceux qui la soignent voient quelle fille extraordinaire elle est. J'ai mis aussi une médaille de vélo pour lui rappeler qu'elle est notre championne.

 

Élianne est le « gros cas » de l'Hôpital Sacré-Coeur, 1 à 3 infirmières plus 1 ou 2 médecins sont à son chevet presque en permanence. Elle reçoit des doses maximales d'un tas de médicaments et son cœur court le marathon depuis plus de trois jours maintenant.

 

L'équipe médicale et infirmière est merveilleuse, compétente et humaine. De vraies abeilles!

 

DONC, ON CONTINUE! DE PARTOUT NE CESSEZ PAS DE LUI ENVOYER VOS PRIÈRES ET DE PENSER À ÉLIANNE. LA LÉGENDE DE TABITONGO EST TOUJOURS VIVANTE ET A BIEN BESOIN DE SES AMIS MALIENS.

 

Je vous embrasse tous et vous remercie pour le grand soutien et l'aide que vous nous apportez.

24 mai

STABLE DANS L'INSTABILITÉ

Hier soir, Gilbert, Renaud, Nico et moi avons rencontré le docteur Verdant. Élianne lutte maintenant, en plus, contre une pneumonie et une septicémie. Elle est la plus malade de tout l'hôpital, ils font tout et ils feront tout, car jusqu'ici il n'y a pas de signe de déficit neurologique. Elle traverse un moment critique. Chaque heure gagnée est un miracle en soi. On se croise les doigts, on prie en pensant à elle.

 

Merci encore de tous vos messages de soutien, mon frère arrive de Bamako ce soir, sa présence sera bienvenue.

 

Je vous embrasse fort XXX

                                                                                                             

26 mai

Juste un petit mot rapide pour vous dire que :

- l'infection est sous contrôle avec la batterie d'antibiotiques : staphylocoque doré dans les poumons et entéro quelque chose dans le sang, de grosses bibittes méchantes paraît-il.

- hier soir, la pression intra-crânienne était toujours assez

variable mais relativement bien stabilisée.

- le médecin a dû administrer une nouvelle dose de barbiturique car ses signes neurologiques se sont améliorés (pupilles plus réactives), ce qui veut probablement dire que l’œdème s'est arrêté et a peut-être même commencé à régresser. Ils veulent encore la garder au repos total. 

Tout cela m'encourage pas mal. Notre bon docteur Verdant a fini sa semaine hier. J'ai bien hâte de voir qui sera le grand boss lundi, mais il me dit qu'ils sont tous aussi bon que lui! Peut-être, mais sûrement pas aussi fins!

Je n'en ajoute pas plus, je prépare mes bagages pour passer une nuit à la maison. C'est bien certain que je fatigue en ta... mais il le faut, et j'ai organisé les tours de garde auprès d'Élianne, mon petit bébé qui lutte fort, fort. Elle est pas mal bonne.

De Charlotte

Ce matin, René Omier-Roy a lu mon courriel au sujet d'Élianne demandant à tout le monde de penser à elle... Vous pouvez écouter l'extrait sur le site radio de Radio-Canada, sous l'émission C'est bien meilleur le matin, partie 1. Mais il a compris qu'Élianne est à Bamako (alors que c'est moi qui y suis)...

 

Voici le courriel envoyé :

Bonjour,


Le 17 mai dernier, vous avez dédié la chanson Les dimanches à Bamako à une jeune fille qui avait ce jour-là 18 ans, Élianne. Or, dans la nuit de samedi à dimanche, elle a été victime d'un grave accident de voiture. Elle est depuis dans un coma profond et son état est critique. Je vous demande aujourd'hui non pas une chanson, mais bien un appel à tous : de demander aux fidèles auditeurs de votre émission (dont moi et sa mère faisons partie) de penser très fort à Élianne, afin que son cerveau désenfle et qu'elle passe à travers cette épreuve terrible. Je suis moi-même à Bamako mais présente en pensée à chaque instant, ainsi que tous les autres amis maliens qu'Élianne s'est fait ici lors de son séjour parmi nous. Nous prions et pensons à elle.


Merci,


Charlotte

Les montagnes russes

Les montagnes russes

 

​Je ne sais pas de quoi la journée d'aujourd'hui sera faite... Je ne sais pas si tout peut rentrer dans l'ordre. Je verrai ce que dira le docteur aujourd'hui.

Moi, je suis crevée, angoissée, bouleversée, mais je veux continuer d'y croire tant qu'elle s'accroche!

Je vous envoie une photo d'Élianne, qui date de 2 ans, pour ceux qui ne se souviennent pas d'elle ou qui ont besoin de son image pour la visualiser comme elle est : belle, intense, VIVANTE! (mais une très tanante de fille!)

 

28 mai

 

UNE SEMAINE APRÈS L’ACCIDENT

 

J'ai finalement pu quitter le centre hospitalier pour quelques heures et venir chez moi me retrouver un peu dans mes affaires, et surtout faire quelques (!) ou plutôt un millier de petites choses laissées en attente. Je ferai bien sûr le minimum, car j'ai hâte de retourner auprès de ma poupoune.

 

Elle a passé une bonne journée hier, une bonne soirée et une bonne nuit.

27 mai 2007

 

La journée d’hier a été la pire de toutes, et j'espère qu'elle le restera! L'ENFER!

 

Et non, je ne suis pas retournée chez moi comme prévu, j'ai l'impression que plus rien n'est prévisible dans ma vie. Ma petite poupoune nous en a fait voir de toutes les couleurs. Elle a été dans un état très instable pendant plusieurs heures, en raison d'une autre maudite complication : « syndrome de détresse respiratoire aigu », c'est une complication pulmonaire qui fait que ses poumons ne fonctionnent plus normalement et qu'elle ne peut donc s'oxygéner. Malgré la nouvelle machine respiratoire installée (une autre!), son taux d'oxygène du sang ne parvenait pas à saturation. Ils ont dû entreprendre une manœuvre spéciale, c'est-à-dire la mettre sur le ventre (méchant contrat avec tout l'attirail auquel elle est branchée) dans un lit spécial commandé spécialement. EN TOUT CAS, VOUS SAVEZ OÙ VA UNE PARTIE DE L'ARGENT DE VOS TAXES! Depuis environ 22 h 30 hier soir, elle a des paramètres plus intéressants et son taux de gaz artériels (dans le sang) s'améliore.​

J'en suis là, d'heure en heure avec peu de certitudes quant aux heures à venir. Johanne, notre ange des soins intensifs m'a bien fait comprendre que dans ce service, on prend toujours « un instant à la fois », ne sachant jamais ce qui nous pend au bout du nez.

Le syndrome de détresse respiratoire semble s'estomper. Je sais au moins que la saturation en oxygène est bonne, de même que les résultats des gaz artériels, et que la pression intracrânienne a diminué (bon signe). Hier, ils l'ont remise sur le dos et elle a conservé de bonnes valeurs de saturation.

 

La machine à hémodialyse est de nouveau arrêtée, ils ont bien des problèmes avec leurs tuyaux. Ils vont peut-être la repartir plus tard. On n'a pas reçu les résultats de la dernière radiographie des poumons. Je les demanderai au docteur aujourd'hui.

29 mai

 

ACCALMIE

Mon emploi du temps est pas mal bouleversé ces jours-ci. Je pense que je ne sais même pas moi-même OÙ je suis!

 

Nous avons eu une journée plus calme hier, la boule d'angoisse demeure, mais certaines choses reviennent à la normale pour Élianne : elle ne reçoit plus de médicament pour maintenir sa tension artérielle; elle ne reçoit plus rien depuis hier soir pour la maintenir endormie (propofol). Par contre, ils lui ont administré deux fois du versed, un genre de relaxant. Je suppose donc qu'elle a manifesté quelques signes d'activité et qu'ils veulent éviter qu'elle lutte contre son respirateur. J'en saurai plus lors de ma visite, car cela est arrivé seulement cette nuit et au téléphone il est difficile d'en savoir plus. L'hémodialyse est cessée depuis plus de 24 heures et cela semble ne semble pas être un problème. Elle urine et réussit à maintenir un certain équilibre électrolytique. Ils ont aussi enlevé quelques cathéters. Cela nous permet de mieux nous approcher d'Élianne et nous laisse plus de place pour lui donner des bisous. Aussi, elle a beaucoup désenflé (son corps), mis à part les jambes. Elle trouverait certainement encore qu'elle a les cuisses trop grosses! Sa pression intracrânienne est acceptable, un peu haute, mais pas trop, et sa saturation en oxygène est bonne. Ils ont baissé la machine oscillatrice de 100 à 55 hier soir et son état se maintient. (Ne me demandez pas ce que signifient ces chiffres, mais il paraît que c'est encourageant.) Ils pourront sans doute l'arrêter complètement aujourd'hui ou demain.

 

30 mai

 

L'accalmie se poursuit. J'ai l'impression d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, en attente de la prochaine tuile qui nous tombera dessus. Je profite aussi bien sûr de cette accalmie et je me détends un peu. Je suis très consciente qu'Élianne a gagné quelques batailles, mais que d'autres l'attendent sans doute, sans parler de la plus importante : la réadaptation.

Ma retraite

Ma vie de sœur pendant plus de trois mois, ma petite chambre.

Ma retraite

J’avais apporté la photo et les cendres de Claire, ma maman, support moral de l’au-delà... et installé la photo d’Élianne au Mali avec un petit ange que quelqu’un m’avait offert. Toutes sortes de rituels m’aidaient à tenir le coup. J’ai réalisé qu’il me fallait quitter cet endroit quand la réceptionniste a fait un lapsus et m’a appelée « sœur Parent »! Mais j’y ai trouvé pendant ces longs mois exactement ce dont j’avais besoin, un petit nid tout à côté de ma fille. Ma chambre était directement située derrière la sienne quand elle a été transférée aux soins intermédiaires. Seulement quelques bâtiments bas et un stationnement nous séparaient. Chaque soir, je me tournais sur le côté gauche et je la serrais littéralement dans mes bras... Je le jure, je ressentais sa présence physiquement.

30 mai

 

Pendant que je me ressource dans le calme chez mes bonnes sœurs, Gilbert s’active comme un fou pour assurer la survie de la maison et de l’entreprise. La plupart des clients sont compréhensifs compte tenu des délais supplémentaires imposés par la situation, mais d’autres non.

 

Je continue d’apprécier tous vos encouragements et vos petites attentions, il m’est encore impossible de remercier personnellement tous nos anges gardiens, mais ce n’est pas faute de reconnaissance, plutôt de temps et de capacité de penser. J’ai aussi pas mal de paperasse à remplir pour la SAAQ et pour la cause judiciaire « La Reine contre Sandra Diotte » qui doit comparaître demain pour son plaidoyer de culpabilité. On verra après pour le procès, je vous en reparlerai.

 

31 mai

 

Je sais que plusieurs me trouvent très généreuse de vous écrire ainsi chaque jour et de vous tenir au courant. Soyez assurés que je le fais par très grand égoïsme, car cela me permet avant tout de faire le point et de savoir que vous continuez de diriger vos pensées vers celle qui en a tellement besoin.

 

Mardi, j’avais passé la journée et surtout la soirée à ressentir un malaise indéfinissable, un grand inconfort impossible à nommer. Hier, mercredi, je l’ai passé avec une boule d’angoisse perpétuelle, ayant la grande intuition que quelque chose n’allait pas. Comme je l’ai dit à ma sœur Chantale, j’avais l’impression qu’une grosse bibitte méchante rôdait aux alentours.

J’appréhendais beaucoup la rencontre avec le médecin.

 

Nous avons eu de bien mauvaises nouvelles lors de notre rencontre avec le Dʳ Bernard concernant l’état d’Élianne. Comme il s’interrogeait sur le pourquoi de son instabilité perpétuelle et sur son peu de récupération des épisodes précédents, il lui a fait des tests pour évaluer sa fonction cardiaque, et a trouvé une malformation congénitale très rare. C’est ce qui explique, je ne sais pas pourquoi, qu’elle se retrouve en ce moment depuis plusieurs jours avec plein de petits caillots sanguins partout en circulation. Il y en a vraiment partout, son pancréas est atteint, son foie, ses muscles et probablement son cerveau. D’après le médecin, ces caillots risquent d’avoir causé des dégâts qui n’étaient pas là au départ. Il réserve donc son pronostic quant à la récupération possible. De plus, une valve de son cœur semble épaissie, il ne sait pas si c’est aussi à cause des caillots ou à cause d’une endocardite, ce qui serait très grave. Il nous a dit aussi que c’est peut-être aussi son cerveau qui est trop atteint et ne contrôle plus rien. Il a commencé un traitement à l’héparine pour dissoudre les caillots. Cela comporte cependant un certain risque de saignements, car ses plaquettes (coagulation) sont basses. Il se donne 24 à 48 heures pour évaluer tout cela.

 

Hier soir, auprès d’elle, je la sentais très très fatiguée. Je pense maintenant que c’est à elle de voir où elle s’en va.

 

ALORS, AUJOURD’HUI, IL FAUT VISUALISER TOUS CES PETITS CAILLOTS EN TRAIN DE SE DÉFAIRE UN À UN POUR LAISSER SA CIRCULATION IRRIGUER TOUS SES ORGANES.

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Première grande sortie

Élianne, avant et après l'accident

Première grande sortie... pour une TDM

1    juin 2007

 

Hier, une autre journée riche en émotions. Élianne a fait un épisode de pression intracrânienne très, très élevée suite à une manœuvre pour ses poumons. C’était pas mal paniquant. Finalement, elle avait trop de sécrétions et le médecin est allé en chercher très loin dans ses poumons. Une fois que ses échanges gazeux sont redevenus normaux, sa pression intracrânienne est redevenue normale. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a du mouvement dans ses intestins depuis hier. On appelle ça le péristaltisme. Elle a même fait des selles après avoir reçu un médicament pour abaisser son taux de potassium et qui a cet effet.

 

Il reste plein d’affaires tout croche, on ne sait pas d’une minute à l’autre ce qui nous attend, mais on continue.

 

MERCI ENCORE DE TOUTES VOS ATTENTIONS, VOS PENSÉES, VOS VISITES,

 

2 juin

 

Je serai très brève, elle est très forte, elle continue. Ses poumons ont bien de la misère. Elle a encore absolument besoin de l’oscillateur pour recevoir assez d’oxygène, mais cela commence à irriter l’intérieur de ses poumons et il faut faire de plus fréquentes bronchoscopies (aller dans les poumons) pour les nettoyer. Pour le reste, je crois que c’est pareil, plusieurs analyses sanguines avec toutes sortes d’affaires bizarres. C’est plutôt difficile pour elle, mais hier soir c’était calme quand je suis partie.

 

3 juin

 

On s’encourage avec de petites choses, hier le Dʳ Bernard était content, il m’a dit « c’est la première journée où tout va un peu mieux ». Il demeure préoccupé.

 

Il y a maintenant deux semaines que notre Poune nous fait vivre de grandes émotions. Sans votre présence et votre support, autant pratiques que moraux, nous ne pourrions pas tenir aussi bien. Vous faites tous partie de notre grande chaîne de guérison pour Élianne.

 

J’espère qu’elle a fini de nous faire des montagnes russes et qu’elle continuera sa petite bonne femme de chemin tranquillement. Ça ménagerait un peu mes nerfs malmenés!!!

 

5 juin

 

Grosse, grosse journée hier! Tout d’abord, en avant-midi il y a eu un petit moment (qui m’a semblé ben long) où je croyais qu’elle allait plus mal, car sa pression intracrânienne montait pas mal et que l’autre docteur (Bellemare) m’avait dit qu’il y avait une détérioration de la fonction pulmonaire. Finalement, ils ont fait une bronchoscopie et enlevé de gros mottons de sécrétions qui bouchaient ses voies respiratoires et tout est rentré dans l’ordre.

 

Après ça, le party a commencé, car mon bon docteur Verdant est venu m’annoncer, comme ça, à froid, que comme elle n’avait jamais été aussi bien, ils se préparaient pour une TDM (tomodensitométrie – CT scan). Il avait son air de « petit tannant, joueur de tours ». Il devait vraiment être un petit monstre hyperactif dans son enfance! Il m’a vraiment pris les culottes baissées, je n’étais pas vraiment prête à cela psychologiquement. Pour moi c’était une autre étape à venir et à laquelle je ne voulais pas trop penser. En tout cas, je n’ai pas eu le temps d’angoisser là-dessus pendant plusieurs jours, car 20 minutes plus tard, après avoir fait ce qu’il appelle des « tests de transport » pour voir si elle tiendrait le coup, ils l’ont amené subir la TDM! Sa première grande sortie, et toute une, avec 10 ou 12 personnes pour déplacer le tout et la ventiler pendant le déplacement aller-retour entre le cinquième et le premier étage. Comme toujours, mon bon docteur avait raison, tout s’est bien passé et elle, comme une grande, toujours aussi forte, a bien supporté toutes ces manœuvres.

 

Dès la fin de la TDM, le, Dʳ Bernard qui voulait être présent est venu rejoindre son collègue (ils ont son cas bien à cœur). Il m’a dit « à première vue, cela ne semble pas si pire! » Quel baume sur mon cœur. Curieusement, cependant, je n’étais pas du tout anxieuse quant aux résultats de la TDM cérébrale (ils ont examiné aussi des clichés thoraciques et abdominaux). J’étais plutôt sereine en fait. Je me suis étonnée moi-même. Après cette petite phrase du Dʳ Bernard, j’avais surtout le goût de la savourer et d’en rester là.

 

C’était sans compter le Dʳ Verdant qui a profité d’un moment où il était prêt pour une autre bronchoscopie en soirée (tout ganté, masqué et blousé selon la technique stérile) et attendait l’appareil à broncho, car l’autre était défectueux. J’étais avec lui à côté d’Élianne et il m’a tout déballé les résultats : beaucoup d’œdème cérébral encore, surtout en frontal droit, par contre, amélioration par rapport à celui du 23 mai, meilleure différenciation selon lui entre la matière blanche et la matière grise, aucun signe d’AVC ni de saignements. On peut rester optimiste de ce côté même si d’autres tests sont à venir qui pourraient révéler autre chose. Grosse atteinte pulmonaire, peut-être quelques abcès à la base du poumon gauche. Pour l’instant son idée est de la sevrer de l’oscillateur pulmonaire qui irrite beaucoup la muqueuse, de la remettre sur le respirateur conventionnel afin de pouvoir l’hépariner de nouveau, car elle a une thrombose veineuse iliaque droite.

 

J’étais donc bien encouragée finalement et j’imaginais déjà hier ma Poune en train de faire la folle en fauteuil roulant dans le grand corridor avec son Nico. Ce matin, l’infirmier de nuit m’a dit qu’elle avait passé une bonne nuit : tension normale, pression intracrânienne normale, etc. De plus, depuis hier soir, ils ont arrêté l’oscillateur (quel soulagement de la voir respirer avec juste le rythme normal d’un respirateur ordinaire) et ils ont repris l’admministration d’héparine. Le Dʳ Verdant fera des tests aujourd’hui pour son bras gauche qui est très enflé et bleu, et il la fera voir par l’ergothérapeute afin de mieux positionner ses membres.

 

ON GARDE LE CAP, IL FAUT LA VOIR DEBOUT, AVEC SON SOURIRE ET SES BEAUX YEUX!

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Lutte contre les microbes

Lutte contre les microbes

6 juin 2007

 

Déjà 18 jours que notre vie a basculé, que tout est en suspens, ici à Sacré-Cœur. Au début, tout cela m’apparaissait comme un cauchemar duquel j’allais me réveiller. En montant le grand escalier central de l’hôpital, je me disais encore il y quelques jours : « ça ne se peut pas ». Maintenant, je sais que tout cela est bien réel. Dans mon corridor d’attente, j’apprends à mesurer le temps qui passe, parfois dans l’angoisse et le désespoir, parfois dans l’inquiétude, mais quand même souvent avec la conviction qu’elle va s’en sortir, qu’elle nous reviendra, changée certes, mais toujours mon bébé.

Hier, première journée sans la machine oscillatrice pour ses poumons. Elle était plus instable côté pression intracrânienne, tout cela à cause de réglages à faire sur le respirateur ordinaire afin de lui permettre de bien s’oxygéner et de bien éliminer le CO₂. Tout s’est replacé assez bien en soirée. Sa température est stable. On augmente progressivement les doses d’héparine pour éclaircir son sang, de manière à atteindre le résultat souhaité, soit finir de détruire tous les petits caillots et, surtout, le plus gros dans sa cuisse. Ils ont fait une radio de son bras gauche qui demeure très très enflé. Il y a plein de liquide dans son bras et son coude, mais il n’y a pas de fracture. Ils ne savent donc pas pourquoi c’est ainsi. Il y a peut-être un autre caillot que détruira aussi l’héparine. Ses poumons demeurent très fragiles, mais il y aurait un peu d’amélioration d’après le doc.

Son état général demeure instable. Elle demande encore beaucoup de surveillance. Aussi, côté infection, ils ont changé ses antibiotiques, car ils craignaient l’apparition de bactéries résistantes. Elle reçoit trois antibiotiques différents et un antifongique, tout cela par voie intraveineuse. Ils ont commencé à la nourrir par un tube dans l’estomac et j’ai demandé à ce qu’ils ajoutent un probiotique dans son gavage (nourriture liquide) afin de prévenir, peut-être, d’autres problèmes comme une infection au C difficile, que l’antibiothérapie risque d’entraîner, ce qu’ils ont accepté.

8 juin

Presque tout était stable hier, sauf la température qui est montée jusqu’à 38 °C. Mais le bon travail de Natalie, l’infirmière de soir (serviettes glacées et vaporisation) a contribué à la faire descendre et, ce matin, elle est à 36,3 °C. C’est un peu inquiétant, car non seulement ils veulent la maintenir en légère hypothermie pour ralentir son métabolisme, mais sa hausse de température peut indiquer que le processus infectieux n’est pas encore bien maîtrisé.

 

Aujourd’hui, ils referont une échographie de son cœur, pour voir ce qui se passe avec la petite valve qui était épaissie l’autre jour. Je sais qu’ils souhaitent qu’elle ne montre pas de signe d’infection, car dans ce cas, ils ne sauraient trop quoi faire. Elle reçoit déjà des antibiotiques et il est hors de question pour l’instant de faire une chirurgie cardiaque, car son état ne le permettrait pas.

Alors, IL FAUT ESPÉRER QUE SA PETITE VALVE SOIT REDEVENUE NORMALE.

Le docteur Verdant m’a expliqué ce qui attend Élianne d’ici 7 à 10 jours (pas tout de suite, car elle ne le supporterait pas) : salle d’opération pour réparer sa mandibule, pratiquer une trachéotomie pour son respirateur et une gastrostomie pour installer son tube de gavage directement dans l’ estomac. Comme il me dit, il ne sait pas comment les choses évolueront pour ce qui est du cerveau. La seule chose qu’il sait, c’est que ce sera long.

 

Élianne a reçu hier la visite de son ostéopathe préféré, Laurier-Pierre, qui lui a fait un traitement. Je suis certaine qu’elle en tirera des bienfaits, et c’était bon de voir quelqu’un qui la connaît, qui a déjà manipulé son corps à plusieurs reprises, la TOUCHER!

9 juin

L’état d’Élianne est un peu plus stable. Le docteur Verdant n’ose même plus le dire devant elle de peur qu’elle l’entende et qu’elle décide de lui faire encore du trouble. La pression intracrânienne est plus stable, et la bonne nouvelle, c’est que la petite valve cardiaque qui était épaissie la semaine dernière paraît mieux, moins épaisse, même s’il reste un petit quelque chose. Le docteur Verdant m’a bien dit qu’il était aussi soulagé par cette nouvelle, car il n’y aurait pas eu grand-chose à faire si ça n’avait pas été le cas. Le processus infectieux n’est pas encore parfaitement maîtrisé, et ça reste quand même un peu angoissant tous ces microbes qui s’attaquent à son corps.

Bonjour,


Je prends la liberté de vous envoyer une photo d’Élianne prise au Mali en compagnie de sa cousine et filleule Fabiola. C’est sans aucun doute la meilleure marraine au monde! On pense à elle très fort, tous les jours.

 

– Charlotte

10 juin

Je serai brève ce matin, l’état d’Élianne demeure instable, mais quand même plus stable depuis 2 ou 3 jours. Son bras gauche est épouvantablement bleu et enflé. Ils ont fait des tests hier, mais je n’en sais pas plus. Son médecin aimerait qu’elle lui fasse une grimace quand il lui fait mal, mais non, elle est toujours profondément dans le coma.

11 juin

Hier, dimanche, j’ai pu profiter de ma fille. J’étais seule avec elle toute la journée et j’en ai profité pour passer beaucoup de temps avec elle. Je me suis vraiment rassasiée, je l’ai positionné, je lui ai fait bouger les jambes, je lui ai mis de la crème hydratante, j’ai entrepris de la refroidir, elle est passée de 37,3° à 35,8°, température qu’elle a maintenue en soirée et ce matin. Il y a juste une mère qui n’a que ça à faire pour y parvenir. Je l’ai beaucoup touchée, j’ai passé de longs moments à la masser doucement derrière l’épaule. De plus, l’ophtalmologiste qui l’a examiné m’a permis de vivre un grand bonheur : voir les yeux de ma fille grands ouverts. En effet, il doit y mettre des gouttes pour faire dilater les pupilles, puis attendre quelques heures avant de pouvoir examiner le fond de l’œil. Pendant ce temps, elle est restée longtemps les yeux grands ouverts et j’en ai profité pour la regarder. L’examen de l’œil était normal.

De façon générale, son état se stabilise. Les poumons sont toujours infectés, mais les médecins diminuent tranquillement la concentration d’oxygène administrée, ce qui est bon signe. La pression intracrânienne se rapproche de plus en plus de la normale, avec moins de montées soudaines. Son bras est toujours épouvantable à voir, mais en le la main a beaucoup désenflé depuis qu’on le maintient en position élevée, et on espère que le reste suivra.

De grandes épreuves attendent encore Élianne. Elle se repose en attendant, toujours aussi belle, toujours aussi forte. Elle est admirable. Continuez de lui envoyer toutes vos belles énergies qui l’aident à se garder vivante et à nous revenir. Nous, sa famille, et Nico, son amoureux, nous ne lâchons pas.

Elle revient!

Elle revient!

12 juin 2007

 

Juste écrire la date du jour me permet de m’orienter un peu plus dans le temps. J’en perds pas mal le fil ces jours-ci.

 

C’est le docteur Marsolais qui a pris la relève pour la semaine. Comme je le connais déjà un peu, cela me soulage. Il est très inquiet du bras gauche d’Élianne qui est très, très induré. Il dit qu’ils devront peut-être ouvrir pour relâcher les pressions à l’intérieur.

 

Je passe beaucoup de temps avec elle, parfois je la sens très, très loin, parfois beaucoup moins. Je ne sais pas ce qui fait la différence, juste une impression. Peut-être les clignements d’œil en sont-ils la cause, même si le doc a dit que c’était un réflexe. Parfois elle ouvre ses yeux très grands, c’est une impression étrange, mais apaisante, comme si elle me disait qu’elle est LÀ.

 

Ces deux derniers jours, je suis souvent passée par l’entrée de l’urgence pour monter la voir. Le corridor interminable, placardé de pancartes jaunes « URGENCE », m’a ramené aux premiers instants de notre arrivée la nuit du 20 mai. Je nous revois angoissant, capotant en fait, dans l’attente de la voir et souffrant par la suite de constater son état. Quelles ont été longues ces heures passées dans la salle de trauma, des moments dont on voudrait vraiment qu’ils soient juste un cauchemar vite oublié le matin.

Je vous présente ma partenaire de raquette. Cette photo a été prise au parc du mont Mégantic sur le sommet du mont St-Joseph, en mars dernier. Qu’est-ce qu’elle est belle!

– Francine

13 juin

 

Pas trop de nouveau à vous dire ce matin, elle se maintient. Hier, ils ont essayé de baisser le gaz NO, mais finalement ils ont dû le remettre en soirée, car sa pression intracrânienne montait à cause des mauvais échanges gazeux. Donc, ses poumons ne sont pas prêts à se passer de cela. Je lui faisais des blagues en lui disant qu’elle devient une droguée au NO. Il semble que le sevrage sera plus long.

 

Elle cligne pas mal des yeux. Parfois, quand ils sont ouverts on a l’impression qu'elle est un peu là, d’autres fois, non. Elle fait aussi quelques mouvements contre son respirateur, je l’ai vu bouger le menton à plusieurs reprises, comme si elle avait des hauts-le-coeur et l'inhalo m'a dit qu’il lui arrive de mordre son tube. Je vais demander une rencontre formelle aujourd’hui ou vendredi avec Dʳ Marsolais pour savoir plus ce qu’il en pense.

 

14 juin

 

Élianne a été en salle d’opération en soirée hier, pour une chirurgie exploratoire de son bras, car il y avait de grands dangers d’infection et de destruction musculaire. Finalement, il n’y avait qu’un très gros hématome, ils ont installé un drain et tout devrait guérir facilement d’après le chirurgien.

 

D’après le docteur Marsolais, ses poumons demeurent la grosse problématique. Il dit que c’est comme une grosse plaie à vif à l’intérieur et que quand ses échanges gazeux (oxygène et gaz carbonique) sont perturbés, cela affecte sa pression intracrânienne. Sinon, le reste n'est pas pire. Il dit que c’est toujours vrai qu’au niveau cérébral tout est possible, le pire et le mieux, qu’eux continuent de travailler dans le sens de L’ESPOIR. Il dit qu’elle ne réagit toujours pas à la douleur, par contre, il a remarqué qu’elle ouvre ses yeux plus souvent de façon spontanée ou en réaction à des stimuli, il dit aussi qu’il a parfois l’impression qu’il y a QUELQU'UN derrière! Chose certaine, elle a beaucoup réagi aux voix hier soir, à celles de Jessica et Josiane, ses amies qui étaient avec elle lors de l'accident, les filles étaient ben contentes, et à celle de Gilbert, juste avant l’opération il lui a parlé et elle a ouvert très, très grand ses yeux.

 

Aussi, je lui ai mis une goutte de lavande sous le nez et elle a bien réagi.

 

On sait qu’elle mord parfois son tube d'intubation, donc il y a quelques petits mouvements, je m'encourage avec ça.

 

Quand je suis avec elle, je lui parle souvent, je lui dis ce qui est arrivé, ce qui va bien, ce qui doit guérir. Je lui dis aussi qu’elle est toujours aussi belle au cas où elle serait inquiète de son apparence. Bien sûr, je lui dis aussi que je l’aime, qu’on l’aime tous, qu’on est toujours là et qu’on l’attend avec l'aide de tous nos amis.

 

15 juin

 

OUI, OUI, OUI!

 

Ma sœur Francine est revenue tout émue hier de sa visite à Élianne. Pour la première fois à notre connaissance, Élianne aurait réellement cligné de façon franche et évidente deux fois des yeux à la demande de l’infirmière. Les autres infirmières, l’inhalothérapeute et ma sœur sont convaincues que c’était une vraie réponse et non un réflexe!!!

 

De façon évidence, elle semble plus « présente » par moments. Elle ouvre beaucoup les yeux, elle réagit à ce qu’on lui dit. Tout ce qu’elle bouge pour l’instant, ce sont ses yeux et sa langue (c'est nouveau ça aussi). Elle m’a presque fait une grimace hier à ma demande. Son infirmier de nuit me dit qu’elle réagit à son nom!!! avec ses yeux. Il m’a dit qu’à 6 h ce matin, ils vont cesser un des calmants qu’elle reçoit.

 

Finalement, j’étais bien heureuse hier soir, toutes ces petites victoires me comblent. Petit à petit, j’en suis certaine, elle nous reviendra, ma belle poupoune.

 

JE VOUS EMBRASSE TOUS ET TOUTES, gardez en vous cet espoir qui nous habite et continuez de lui envoyer toutes vos belles énergies.

 

16 juin

 

ELLE EST REVENUE!

 

Après la belle surprise de jeudi soir, cela se poursuit. Hier matin à mon arrivée sur l’unité, tout le monde était en émoi : Élianne a répondu aux commandes verbales de son infirmière, elle a bougé deux doigts et son pied droit. La réponse est lente, très lente, mais véritable et j’ai assisté aussi à un moment où elle a bougé son index à la demande. C’est très très long pour elle d'amorcer un mouvement, elle en tremble. Elle bouge beaucoup ses yeux et sa bouche, quand je lui ai mis du baume sur les lèvres, elle est littéralement venue le chercher avec sa langue. Elle nous regarde et je crois qu’elle essaie de nous dire quelque chose avec ses yeux. Elle a aussi commencé à grimacer à la douleur et même fait une amorce de mouvement de retrait à la douleur, ce qui est bon signe.

 

On voit que tout le personnel est bien attaché à elle, c’était la conversation du jour sur l’unité et toutes les infirmières qui la connaissent venaient me parler.

 

Donc, hier soir, la consigne était repos, elle était de plus en plus endormie avec son calmant et on lui disait de faire un beau dodo pour être en forme aujourd'hui. Elle ouvre quand même les yeux quand on lui parle, elle semble bien LÀ, et ce matin, j’essaierai d’avoir une petite conversation avec elle.

Ce n'est que partie remise

Sainte-Anne, 16 juin 2007

Chère Jocelyne,

 

Je ne t'ai pas écrit avant... mais je prie beaucoup. Et je vais continuer à le faire, parce que même si on pourrait croire et avec bonheur, que le pire est passé, je sais que le plus difficile reste à faire.

 

Jusqu'à présent tu as dû rouler à l'adrénaline et j'imagine combien tu dois être épuisée. Et pourtant, c'est dans les semaines et les mois à venir que tu devras puiser dans tes réserves de force, de patience et d'endurance.

 

Il y aura maintenant la douleur et les nombreuses frustrations d'Élianne. La réadaptation et... la réintégration et... tout ce que j’ai dû vivre moi-même. Bref, je vais continuer à vous envoyer des ondes bénéfiques.

 

Je sais que les revenus ont été très perturbés chez vous et je me disais... avec tout ce que tu écris depuis le début, il y a de quoi faire un livre et renflouer vos caisses. Pas maintenant bien sûr, mais... c'est peut-être un projet qui vous permettra un jour de faire le point sur cette expérience de vie hors du commun.

 

Je t'embrasse,

 

Jacinthe

Ce n'est que partie remise

17 juin 2007

 

Bonjour tout le monde,

 

Petit moment de découragement ce matin, condition pulmonaire assez instable, il semble y avoir pas mal de sécrétions qui bouchent son tube, ils ne sont pas capables d'aller les chercher. Ils ont fait deux bronchoscopies hier pourtant. En soirée hier, sa pression intracrânienne est montée pas mal; le résident avait l'air de savoir quoi faire et après qu'il lui ait donné des bolus de versed (calmant) et une perfusion riche en sodium, tout est rentré dans l'ordre, mais d'après l'infirmier de nuit, ils ont eu les mêmes problèmes cette nuit et ils ont de la difficulté à bien la ventiler. Elle ne supporte pas bien les manœuvres qu'ils essaient de faire pour ses poumons.

 

Donc, depuis avant-hier soir, elle a continué à recevoir des doses plus élevées de calmants, ce qui fait que le peu de communication que l'on a pu avoir avec elle l'autre jour n'est pas possible pour l'instant. Je sais que cette nuit ils ont augmenté encore ses calmants, donc elle n'est pas prête pour cette étape, elle nous a fait signe et doit maintenant guérir ses poumons.

 

J'aurais bien aimé continuer sur un bon air d'aller, je dois réduire mes attentes et essayer de ne pas trop m'inquiéter, ce n'est pas facile je vous avoue. J'aimerais qu'ils se décident à lui faire sa trachéo, ce serait peut-être plus facile de la ventiler ainsi.

 

IL FAUT CONTINUER À PENSER À ELLE, À SES POUMONS SURTOUT, GROSSE, GROSSE AFFAIRE À RÉGLER AVANT DE PASSER AU RÉVEIL. ELLE NOUS A FAIT SIGNE, IL FAUT CONTINUER.

18 juin

 

J’ai eu une belle conversation avec Dʳ Bellemare. Il est pneumologue et il a pu m'expliquer des choses concernant les poumons d'Élianne dont je m'inquiétais. Il m'a d'abord expliqué qu'en changeant un cathéter central (sous-clavière) ils ont percé son poumon, il y a une petite fuite et ils ont dû remettre un drain thoracique (elle en a eu un au début). Ce sont les risques d'installation de sous-clavière chez les patients ventilés mécaniquement et ce n'est pas trop grave. De plus, il m'a expliqué que, contrairement à ce que je croyais, la condition pulmonaire d'Élianne s'est améliorée et que tout devrait s'arranger, c’est une question de temps. La trachéo suivra cette semaine, il dit qu'elle serait en mesure de la supporter.

  

19 juin

 

Bonne nouvelle : il semble que le sevrage du gaz NO se fasse finalement cette fois-ci après plusieurs essais infructueux la semaine dernière, ce qui confirme ce que me disait Dʳ Bellemare, sa condition pulmonaire s'améliore. Je me prépare mentalement pour la trachéo bientôt.

 

Élianne était pas mal droguée hier soir avec de bonnes doses de calmants. Petite anecdote : le nouvel infirmier qui s'occupe d'elle l'a appelé Madame Parent et elle ne réagissait pas. Elle a réagi en ouvrant ses yeux quand il l'a appelé Élianne. Finalement, elle ne se reconnait pas encore en « madame ».

 

20 juin

 

Drôle de feeling hier à mon retour à l'hôpital. Les sédations d'Élianne (fentanyl et versed pour les initiés) ont été cessées vers 9 h 30, mais elle est demeurée pas mal « gommée » par la suite. Pour Élianne, métaboliser des médicaments est très, très long, ce n'est pas nouveau. Nico dit qu'en après-midi, elle bougeait les doigts et lui serrait un peu la main. Je sais qu'elle a aussi eu des amorces de mouvements de retrait à la douleur quand l'infirmière lui a fait ses signes neurologiques. Mais, en soirée, c'était plutôt confus, elle ouvrait un peu les yeux, a répondu seulement une fois à ma demande de les cligner, et elle avait des spasmes et tremblements avec ses mains, ce ne semblait pas des mouvements volontaires. En plus, elle a vomi trois fois. Tout cela m'a laissée bien inquiète. Je sais que le résultat de l'EEG donne de l'activité électrique très lente et diffuse, mais ne sais pas comment l'interpréter.

 

Ils ont refait une bronchoscopie et le Dʳ Albert dit que sa muqueuse est plus belle, mais qu'il y a encore beaucoup de sécrétions épaisses et collantes. Le sevrage de NO semble fonctionner, elle n'en a plus besoin et comme son cathéter qui mesure sa pression intracrânienne ne fonctionnait plus, ils ont décidé de ne pas en remettre étant donné que c'était beau depuis 48 heures.

 

Après la broncho, ils ont reparti une perfusion de calmant, mais du propofol cette fois-ci, car quand on l'arrête, cela s'élimine assez rapidement.

 

Avec tout ça hier, on ne l'a pas bougé et elle serait bien due pour faire des exercices, alors je verrai ce matin si c'est possible.

 

Je rencontre Dʳ Albert cet après-midi, ma liste de questions est prête. Finalement, je me demande si c'est bon ce système de changement de médecin chaque semaine, on dirait que les premiers jours sont consacrés à la connaître mieux et que ce n'est qu'après qu'il peut se passer des choses pour évoluer. Honnêtement, j'avoue que je ne sais pas trop comment ils pourraient faire autrement sans être là toute la gang 24h/24 et 7/7 jours.

 

CONTINUEZ À PENSER À ÉLIANNE, JE CROIS QUE MAINTENANT, ON PEUT SE CONCENTRER SUR SON CERVEAU AFIN QU'IL SE GUÉRISSE ET NOUS RAMÈNE UNE ÉLIANNE SEMBLABLE OU PRESQUE À CELLE QUE L'ON CONNAÎT.

Soeur Parent

Sœur Parent

21 juin 2007

 

Je sais que plusieurs d’entre vous commencez votre journée par la lecture des nouvelles d’Élianne et je me fais un devoir d'être tôt au rendez-vous. De toute façon, c'est mon heure : aux aurores.

 

Hier, vous l'avez peut-être un peu senti, j'ai eu un moment de découragement, je la sentais tellement mal. Mon amie Marie est venue me voir le matin et m'a bien fait réaliser qu’Élianne est probablement plus consciente et vraiment, comment peut-on être bien dans un corps comme cela, avec sûrement de la douleur, un corps qui n'a pas bougé depuis un mois, les tuyaux, etc.? Genre lendemain d'une très, très grosse brosse! J'étais aussi très déçue de ne pas avoir retrouvé le contact vécu jeudi et vendredi dernier avec elle, elle semblait très absente, plutôt « confuse ».

 

Ma rencontre avec le Dʳ Albert m'a confirmé les propos de Marie, de plus, il est très clair pour lui qu'elle est en sevrage : comme une vraie droguée, elle doit cuver les calmants reçus, dont un est l'équivalent de la morphine et elle le reçoit depuis un mois maintenant. Cela explique ses tremblements et ses vomissements, la hausse de sa pulsation cardiaque et de sa tension artérielle. Pour pallier temporairement cela, il a prescrit d'autres calmants, mais ceux-ci s'éliminent plus vite : Propofol et Ativan. Il attend qu'elle n'ait plus rien pour repasser un autre EEG (électroencéphalogramme, pour mesurer l'activité électrique du cerveau).

 

Le docteur m'a dit que beaucoup de choses s'améliorent, elle n'a plus de No (gaz) et hier elle a été plusieurs heures en ventilation spontanée sur son respirateur, ce qui veut dire que c'est elle qui amorçait le mouvement de la machine pour qu'elle lui donne de l'air.

 

Côté cerveau, contrairement aux rumeurs qui courent, elle n'est pas sortie véritablement du coma. Elle a eu deux périodes avec un certain éveil, c'est tout, et c'est aussi beaucoup et fort apprécié. Le Dʳ Albert m'a reconfirmé que l'on ne sait rien sur l'état de son cerveau, comment elle sera, ce qu'elle pourra ou non faire, etc. Pour l'instant, il y a peu de changement dans ses signes neurologiques.

 

C'est à suivre et c'est pourquoi il ne faut pas lâcher et continuer à l'encourager. Chose certaine, la réadaptation sera longue, probablement pénible et nous aurons sans doute bien besoin de vous tous.

 

Sur ce, je vous laisse avant qu'il n’y ait la queue pour la douche, c'est bien occupé ces jours-ci chez les petites sœurs!!!

 

22 juin

 

« Sœur Parent », c'est ainsi que m'a appelé, par erreur bien sûr, la réceptionniste hier. Ça y est : je me fais nonne!

 

En effet, je mène une vraie vie de sœur, bien rangée, bien réglée. Je n'ai aucune tâche ménagère à faire à part mon petit lavage de sous-vêtements dans le lavabo (comme en voyage, mais je me passerais bien de celui-ci), et ma « brassée » de trois blouses et une jupe à la buanderie que je fais sécher sur des supports dans ma chambre. Je suis nourrie, soit par les sœurs, soit par Steve du Café Honey et parfois par la cafétéria de l'hôpital. Mon lit est changé à l'occasion, mes serviettes aussi. Mes journées sont réglées par l'horloge, le peu de temps que je passe ici chez les religieuses est occupé à entretenir ma personne, me reposer, dormir, lire un peu, vous écrire, faire ma comptabilité. Alors peut-être bien que je deviens « Sœur Parent ».

 

Hier, Élianne a refait quelques mouvements à la demande de Julie, son infirmière. Julie est vraiment fine, elle aime aussi beaucoup Élianne et était bien contente de ce qu'elle avait réussi à lui faire faire : bouger des doigts et des orteils à sa demande. Naturellement, après elle était épuisée, elle a essayé encore, mais sans succès. Cependant, on l'a très bien vu « enligner » sa main droite avec ses yeux pour amorcer un mouvement qu'elle n'a finalement pas pu faire faute de force. Elle a aussi bougé trois fois sa jambe gauche dans ma main pendant que je lui massais le pied. À la demande des médecins, je lui ai demandé deux fois de fermer ses yeux, ce qu'elle a fait, avec difficulté, car ses paupières semblent très, très lourdes, mais de façon franche et évidente selon Dʳ Bernard et Dʳ Albert qui étaient tous les deux présents. Elle est encore pas mal assommée par ses médicaments qui s'éliminent tranquillement.

 

Julie me recommande de la rassurer souvent, car elle cherche aussi beaucoup avec ses yeux à voir son corps au complet, elle baisse le regard et semble vouloir regarder jusqu'à ses pieds. On sent parfois la panique dans son regard alors il faut lui dire que tout devrait bien aller, qu'elle pourra bouger plus en temps et lieu, qu'elle devra être patiente, très, très patiente! On la sent de plus en plus là, avec de grandes périodes de sommeil profond.

 

Aujourd'hui au programme : trachéo en salle d'opération. Ce sera une nouvelle étape pour Élianne, elle n'aura plus son tuyau de respirateur dans la bouche. Depuis hier matin, elle est revenue en ventilation spontanée, donc elle donne elle-même le rythme à sa machine pour respirer et cela semble bien aller.

 

23 juin

 

Je ne crois pas qu'Élianne envisageait de fêter la Saint-Jean ici! Il n'y aura pas de compétition au Mont Sainte-Anne pour elle cette année, sa compétition est ici, sur ce lit du 599. Quelle tristesse quand je pense à cela.

 

Élianne a eu sa trachéo comme prévu hier, tout s'est bien passé et la première chose que les infirmières ont dit lors de son retour à la chambre : « Est-tu belle!!! ». C'est bon de la voir sans tube dans sa bouche, cela libère beaucoup son visage. Il ne reste que le tube de Levin pour la nourrir qui passe par une narine jusqu'à son estomac.

 

Tout le monde dit que la trachéo est souvent le début d'une nouvelle étape, que les choses bougent plus après. On verra. Hier, elle était bien concentrée sur son corps, dans ses moments « d'éveil ». Quand on la touchait, par exemple au pied ou au ventre, elle cherchait à voir cette partie de son corps, du moins ses yeux s'y dirigeaient. Elle regardait beaucoup le tube dans sa bouche (avant l'opération) avec un air mauvais, je crois que si elle avait pu bouger sa main, le tube aurait pris le bord assez vite merci!

 

Elle semble observer parfois ce qui se passe, comme quand l'inhalo aspirait les sécrétions de son tube de trachéo. Elle respire toujours en ventilation spontanée, donc elle commande le respirateur et ça va assez bien de ce côté.

 

24 juin

 

Que c'est dur pour un cœur de mère de voir son bébé ainsi. Hier, ils ont cessé complètement le Propofol, un des calmants qui lui restait et qui s'élimine très, très rapidement. Quelques instants plus tard, elle était plus éveillée, ouvrait ses yeux, regardait, on voyait qu'elle vivait beaucoup d'anxiété, son cœur battait à 118-120, sa TA (tension artérielle) était très élevée et sa respiration plus rapide. En plus, quand elle m'a vu (ou entendu) près d'elle, cela a accentué sa panique, comme si elle voulait me dire quelque chose, elle essayait très fort de bouger, je l'ai vu soulever son bras droit, elle ouvrait sa bouche comme pour hurler, son visage se contractait comme pour pleurer, ses yeux s'ouvraient et me disaient toute l'angoisse qui l'habite. Cela s'est passé trois fois durant la soirée.

 

Je ne crois pas que je vais aller chez moi aujourd'hui, peut-être ce soir, on verra. Elle a beaucoup besoin d'être rassurée, d'être calmée. Je la masse avec de la crème hydratante, je la fais bouger. Elle aime beaucoup être bougée, visiblement, car sa pulsation cardiaque ralentie et sa TA baisse quand on le fait. Cela doit la rassurer sur l'existence de son corps.

 

Je sais que tout cela, son éveil, sa panique, sont des signes positifs et encourageants, mais c'est très dur à vivre pour elle, de réaliser ce qui se passe, de se voir ainsi sur un lit, de ne pas comprendre, d'avoir peur de la suite sans doute, de se sentir « prise » dans son corps et pour moi c'est aussi très douloureux de la voir ainsi.

 

Je vous tiens au courant, envoyez-lui de bonnes énergies calmantes et « énergisantes »!

Où est passé mon bébé?

Où est passé mon bébé?

25 juin 2007

 

Je sais que plusieurs d'entre vous étaient en congé durant le long week-end et que certains reviennent ce soir.

Élianne a « célébré » sa Saint-Jean 2007 au 5 ͤ, heureusement, elle ne le savait pas. Je crois qu'elle avait d'autres projets pour cette fête... En fait, hier était une journée de « non-contact », il semble y avoir une certaine alternance entre les jours « avec » et les jours « sans ». Elle était renfermée sur elle-même, elle répondait à peine, sinon pas du tout, aux ordres des infirmières et des médecins, comme de serrer la main. Elle semblait être profondément plongée en elle-même, concentrée peut-être à bouger son bras droit, puisqu'elle l'a beaucoup bougé, déplaçant sa main de sa cuisse à son ventre et pianotant parfois du bout des doigts. Elle semblait souvent faire des efforts pour bouger tous ses membres. Le Dʳ Bernard trouvait qu'elle avait l'air en maudit, ce qui était est peut-être le cas!

Concernant l’infection pulmonaire, il y a une nouvelle bactérie : l’enterobacter (ou quelque chose dans le genre), la même qu'elle a déjà eue dans le sang et qui avait disparu. Elle en a dans ses sécrétions bronchiques, le microbiologiste est passé hier et il a changé son antibiotique pour un autre, car c'est cette fameuse bactérie qui peut développer des résistances et en faire développer, par le fait même, aux autres bactéries, dont l’E. coli qu'elle a aussi dans ses poumons. De plus,  elle fait un peu de température.

Hier matin, j'ai sauté sur l'occasion pour la faire changer de place dans la chambre. En effet, à mon arrivée, la place à côté de la fenêtre était libre, il y a eu un gros roulement à cet endroit et je le reluquais depuis le début. Comme j'avais parlé de ce désir de changement au Dʳ Bernard cette semaine, et qu'il trouvait que c'était une bonne idée, j'ai profité du fait qu'il était présent dans la chambre pour aller voir l'infirmière responsable au poste et lui faire ma demande. Ce qui n'a pas enchanté l'infirmière qui s'occupait d'Élianne, mais tant pis, elle avait l'air assez bête de toute façon alors elle a tout simplement continué toute la journée et j'ai fait celle qui s'en foutais! Il faut dire que ce week-end, pour ce qui est des infirmières dans la chambre c'est plutôt poche : une grande air bête, une autre du genre « infirmière à docteur », je la soupçonne d'être une épouse de docteur, elle porte un sarrau par-dessus son uniforme d’infirmière, genre pour se donner un air plus « professionnel », elle a les cheveux bien crêpés et elle arrête tout ce qu’elle fait quand un docteur est présent pour lui faire la jasette et faire « ami-ami ». Excusez-moi, c'était mon petit bitchage du jour!

Je devrais être là toute la semaine. Je m'attends, si le côté pulmonaire se stabilise, à ce qu'elle soit transférée aux soins intermédiaires plus tard cette semaine ou durant à la fin de la semaine.

J'ai l'impression que cette semaine sera sous le signe de l'INCONNU. C'est un peu paniquant et angoissant, je continuerai de vous tenir au courant.

26 juin

Hier, j'étais tellement découragée après ma visite journalière, j'avais envie de me coucher et de ne plus me réveiller, cela aurait été plus facile. Où est passé mon bébé? A-t-elle tellement paniqué samedi de se voir ainsi, car je suis convaincue qu'elle était LÀ, qu'elle s'est de nouveau retirée très loin? Est-ce seulement une mauvaise passe, son rythme à elle pour nous revenir? Est-ce l'effet de la fièvre qu'elle fait depuis 2 ou 3 jours? Cuve-t-elle encore ses médicaments? Toujours est-il qu'après avoir été plusieurs fois « présente » depuis 10 jours, elle est depuis 2 jours plutôt loin, répondant à peine aux ordres de l'infirmière de serrer la main, ne manifestant rien quand on est présent, les yeux ouverts, mais plutôt vagues. 

Je n'ai plus aucun repère...

En après-midi, le Dʳ Albert m'a laissé entendre qu'il trouvait ça bien long et comme c’était aussi mon sentiment, j'étais pas mal découragée et inquiète. En soirée, si j'en avais été capable, je n'y serais même pas allée tellement j'appréhendais ce que j'allais y vivre encore une fois. 

Finalement, de la voir, même plutôt absente, m'a redonné de l'énergie. Elle n'est peut-être pas si loin que ça, elle suit parfois des yeux ce qui se passe, même si elle ne manifeste rien. Elle lutte un peu contre nous quand on essaie de la bouger. Difficile de savoir ce qui se passe, ou pas, dans sa tête. En soirée, c’était le Dʳ Verdant qui était de garde. Il m'a davantage rassurée. Il m'a parlé du rythme de chacun qui peut amener le réveil de façon bien différente. Malheureusement, ce ne sera pas lui qui s’en occupera cette semaine, il a d'autres cas à soigner. Ce sera le Dʳ Giasson que je connais moins, on verra bien, mais le Dʳ Verdant sera quand même présent dans l’hôpital et je pourrai lui parler à l'occasion. Chose certaine, le processus sera bien long et toute la réadaptation aussi, cela devient de plus en plus évident.

Elle fait toujours de la température, le nouvel antibiotique devrait commencer à faire effet après 48 heures, donc ce soir. En soirée, et cette nuit, sa tension artérielle était trop élevée, ils ont dû lui donner un médicament pour la faire baisser. Hier, à deux reprises, ils ont tenté un sevrage du respirateur. Ce qui fait qu'elle n'avait pas de machine, juste de l'oxygène sur sa trachée, mais ce ne fut pas un succès. Elle a passé 30 min le matin et presque 2 heures en après-midi, mais ils n'ont pas réessayé en soirée, car son pH sanguin avait trop augmenté. Je crois qu'ils tenteront de nouveau aujourd'hui, ils essaient de la sevrer du respirateur, mais c'est difficile, car ses muscles intercostaux sont rendus bien paresseux, car ils n'ont pas travaillé depuis plusieurs semaines. Il se peut qu'aujourd'hui qu’ils commencent à lui donner du Ritalin, il paraît que cela facilite grandement l'éveil et la concentration, cela dépendra si le battement de son cœur qui bat trop vite à cause probablement de la fièvre, est plus à la normale aujourd'hui, peut-être cela dépendra-t-il aussi de sa tension artérielle.

Quand je suis avec elle, j'essaie de la stimuler. Je lui parle, la touche, la masse, et la fait bouger. Je continuerai aujourd'hui et vous redonnerai des nouvelles.

Ça pourrait-ti ben aller?

Ça pourrait-ti ben aller?

27 juin 2007

 

Il fait chaud en ville! Heureusement qu'Élianne a l'air conditionné dans sa chambre et comme j’y suis souvent, cela nous rafraîchit.

 

Bon changement de garde hier. Le Dʳ Giasson a pris le relais avec, je crois, beaucoup de perspicacité. Il pense qu'Élianne a eu un sevrage de narcotiques beaucoup trop rapide, il me dit qu'elle a tout à fait un profil de « délirium », peut-être accentué par la prise très (trop) régulière d'Ativan depuis une semaine. Selon lui, le sevrage aurait dû être plus graduel, là c'est plutôt brutal et elle est trop dans un état adrénergique : pulsation et TA dans le plafond. Nous avons beaucoup jasé et il m’a expliqué que parfois les médecins vont trop vite, ils ont la crainte que ce soit les médicaments qui empêchent les gens de sortir de leur coma. Dans le cas d'Élianne, elle a montré plus de signes d'éveil sous narcotiques que sans. Son plan de match : on oublie le Ritalin pour l'instant, trop adrénergique, il veut plutôt la ramener à des valeurs normales.

 

Je crois que le sevrage du respirateur s'est fait trop vite lundi, les inhalothérapeutes d'hier m'ont tous dit que l'on ne peut pas partir avec une aide à 30 (l'aide qu'elle reçoit du respirateur) et tomber à 0, il faut procéder graduellement et pour eux, il était évident qu'elle ne pouvait pas supporter cela. Le Dʳ Albert était finalement beaucoup trop pressé avec elle, sur tous les plans, et son infirmière, de lundi, ne l'a pas assez surveillé pour remarquer qu'elle était épuisée d’avoir passé presque deux heures sans respirateur. De plus, au cours de la même journée, l'inhalothérapeute était visiblement inexpérimentée.

 

Le Dʳ Giasson lui refait passer des examens au scanneur aujourd'hui : cerveau, bras gauche et thorax. Il dit que s'il reste des abcès au poumon gauche, ils iront les drainer cette semaine. Elle aura aussi une gastrostomie afin de mettre le tube qui la nourrit directement dans son estomac au lieu de passer par le nez.

 

Hier, ma sœur Chantale m'a aidée et on lui a plus ou moins lavé les cheveux, en fait, on a nettoyé son fond de tête qui était plein de croûtes et de pellicules. Elle a semblé apprécier, elle se fermait les yeux et avait l'air de relaxer. Toujours aussi peu de contacts, quoiqu'elle a semblé plus présente, pendant quelques minutes, lors de la visite de la physiothérapeute. Le monsieur qui fait le ménage aussi me disait que le matin, très tôt, elle le suivait des yeux pendant qu'il vidait ses poubelles.

 

Autre source d'inquiétude, hier soir, vers 22 h, lorsque je m'apprêtais à partir, j'ai remarqué que sa cuisse droite était énorme, très enflée jusqu'au genou. Le résident est venu voir, il a fait faire des prises de sang qui n'ont pas révélé grand‑chose, on sent ses pouls pédieux et autres, elle est déjà sous héparine donc peu de risque de faire une phlébite. À ma demande, on l'a mesuré pour comparer avec l'autre cuisse : presque deux pouces de différence, la peau est aussi indurée, mais il ne semble pas y avoir de rougeur, d’éruption cutanée ou de chaleur.

 

ÇA POURRAIT-TI BEN ALLER???

 

Le Dʳ Giasson n'avait pas de bonnes nouvelles du scanneur cérébral : atteinte (d’un genre d’hématome) au lobe frontal droit, avec tout ce qui pourrait y avoir comme séquelles (mais je vous en reparlerai, car je n'en ai pas le courage cette nuit), plus atrophie du cortex de façon généralisée et mettons « modérée », si on peut parler ainsi pour faire une distinction entre légère et sévère, mais qui pourrait compromettre sérieusement ses chances de récupération. Il ne peut pas se prononcer davantage, mais ce n'est pas le résultat qu'il aurait voulu, le scanneur a démontré des dommages qui peuvent laisser des séquelles importantes. Il s'est même mouillé en me disant que si c'était sa fille, il n'est pas certain qu'il voudrait continuer. En fait, il nous prépare à prendre des décisions si d'autres complications importantes surviennent. Il reste quand même que ce n'est pas impossible qu'elle puisse avoir une certaine récupération, personne n'ose se prononcer là-dessus.

 

JE NE SAIS PLUS QUOI PENSER, JE SUIS COMME UNE BOMBE AMBULANTE.

 

29 juin

 

Nouvelle rencontre avec le Dʳ Giasson, qui nous a répété les mêmes choses que la veille concernant les résultats du scanneur, l'atrophie du cortex est bien là, cependant ils ont trouvé, avec la résonance magnétique, qu'elle a encore une petite zone enflée sous le cortex qui, si j’ai bien compris, s'expliquerait par une pression artérielle assez élevée qui maintient cet œdème si longtemps après.

 

Cette petite zone enflée vient un peu « améliorer » le portrait en ce sens qu'elle laisse supposer qu’il peut y avoir de l’amélioration quant à l'étendue de la zone atteinte. Tout ce qu'il nous a dit et répété demeure vrai, cependant, hier soir, il était plus nuancé, en nous disant bien que sa récupération risquait d'être très difficile et pourrait lui causer de graves séquelles, mais que seul l’avenir nous le dira. Pour lui, il reste vrai que si des complications importantes survenaient, nous aurions à nous demander si l’on doit intervenir ou non.

 

Autres choses : pour sa cuisse il y a une grosse partie de son quadriceps droit qui est mort, ce muscle sera en fin de compte totalement inutilisable, ce qui implique automatiquement le port d'une orthèse pour marcher. Il semble que son muscle avait commencé à se détruire il y a qq semaines, de façon un peu sournoise, car quand ses CK (enzymes musculaires) ont monté en flèche, ils ont bien cherché d'où cela pouvait venir et n'ont pas trouvé. Quand ils ont ouvert la cuisse, à la suite de l'enflure soudaine, ils ont trouvé du muscle mort à l’endroit où il y avait un saignement, c’est d’ailleurs ce qui a provoqué l'enflure. Là j'espère que cette plaie ne n'infectera pas, elle est ouverte avec un drain et hier, le résident en ortho, qui a défait le pansement pour l'examiner, a touché directement la plaie avec des gants non stériles. Je m'en suis plainte au Dʳ Giasson qui va y donner suite. Ses poumons : abcès toujours à la base gauche, lobe inférieur. Il espère ne pas avoir à intervenir, si l'infection demeure sous contrôle, ils espèrent que le temps fera son œuvre, sinon, il faudra faire une chirurgie thoracique qui impliquerait de tout ouvrir, par le côté, pour aller débrider le lobe inférieur gauche, c’est une chirurgie importante qui dure plusieurs heures. Le Dʳ Giasson a consulté sa collègue la Dre Choinière, chirurgienne thoracique, et ils ont décidé d'attendre, à moins de problèmes pulmonaires trop importants. Pour l'instant, elle est une vraie usine à sécrétions, mais sa fonction pulmonaire reprend du mieux, ils ont beaucoup baissé l'aide qu'elle reçoit du respirateur, et le taux d'oxygène aussi.

 

Durant les prochains jours, le Dʳ Giasson veut se concentrer sur son cerveau, il maintient de petites doses régulières de morphine, en tenant compte qu'elle a probablement de la douleur à sa cuisse et qu'il veut faire le sevrage graduellement. Il continue d'espacer les doses d'Ativan pour la sevrer tranquillement. Il a prescrit un antihypertenseur pour diminuer sa pression artérielle en espérant faire disparaître la dernière zone enflée dans son cerveau et il envisage aussi une ponction lombaire aujourd'hui, il profitera du fait qu'elle n'a pas d'héparine pour faire cela et ponctionner ce qui reste dans son bras gauche.

 

En soirée hier, Élianne était vraiment comme avant son dernier « éveil », pas très loin. Elle suivait des yeux nos conversations autour d'elle. Elle avait les yeux fermés pendant que je parlais avec Nico, lui sur un côté du lit, moi sur l'autre, et ses orbites allaient d'un côté à l'autre selon qui parlait. Elle a aussi suivi le mouvement du Dʳ Bernard quand il est venu à son chevet et qu'il s’est promené sur le bord du lit en parlant. J'aime mieux la voir ainsi que loin, loin, loin.

 

Je pense qu'il faut lui laisser sa chance, c'est elle qui nous dira à long terme ce qui est acceptable ou non pour elle. Je me suis couchée plus apaisée hier, plus confiante, je veux garder encore un peu d'espoir et l'accompagner dans cette épreuve.

Message onirique

Message onirique

2 juillet 2007

 

Grand changement dans la vie d'Élianne : elle a été transférée aux soins intermédiaires samedi après-midi. Ce qui signifie que son état « vital » est plus stable. Cependant, pour son état d'« éveil » ce n'est pas gagné, mais on se concentrera sur cet aspect des choses au cours des prochains jours et des prochaines semaines.

 

J'ai vraiment été surprise samedi de ce changement soudain, elle était prête, semble-t-il..., et le personnel de l’hôpital devait vider sa chambre. En raison du manque d'infirmières pour le quart de travail de soir, ils ont dû évaluer les patients qui étaient prêts à être transférés. Cela a l'air niaiseux, mais on s'habitue à notre inconfort, d’une certaine façon. J'avais mes petites habitudes aux soins intensifs, la plupart d'entre vous connaissaient mon coin de corridor, je connaissais le personnel et eux aussi, cela me faisait tout drôle de changer de place. Heureusement, elle est suivie par la même équipe de médecins, et le rapport patients-infirmière est de 2/1.

 

Samedi après-midi, jour du transfert, j'étais avec Emmanuelle, la sœur de Claudine, et Élianne a bougé beaucoup (entendons‑nous, beaucoup pour elle c’est très peu). Elle bougeait ses doigts et les regardait, elle me montrait des doigts, elle a essayé de passer sa main droite sous son pansement à la cuisse, elle a même bougé tout d’un coup tout son côté droit : épaule, bras, jambe.

 

Difficile de dire si l’on a ou pas un contact avec elle, c'est encore un peu flou de ce côté. Elle a grimacé quand l'infirmière a fait son injection et elle a manifesté beaucoup de peur durant le transport au 2e étage, elle était toute crispée, les yeux ronds et grands ouverts.

 

Tout est rénové aux soins intermédiaires, ce sont toutes des chambres individuelles, donc on minimise le risque d’infection. Tout est vitré et son infirmière est assise devant elle. Le Dr Giasson, qui continue à la suivre jusqu'à demain matin, est passé samedi soir. Il lui donne un peu de morphine pour soulager sa douleur à la cuisse, car il veut aussi contrôler sa tension artérielle. De plus, l'infirmière a remarqué qu'elle avait un meilleur contrôle après une dose donc on suppose qu'elle a de la douleur. D'ailleurs, quand elle bougeait samedi, elle grimaçait en même temps.

 

Le médecin m'a mentionné qu’il fera peut‑être une gastrostomie cette semaine (pour mettre le tube qui la nourrit directement dans son estomac) et qu’il essayera de faire une radio du cou en flexion-extension afin de pouvoir lui enlever, si tout est correct, son collet cervical. Il veut lui libérer le visage et la tête. Il cesse graduellement ses perfusions intraveineuses pour passer à des médicaments par son tube dans l'estomac ou sous-cutané, afin de pouvoir enlever son cathéter à plusieurs voies. La chirurgienne thoracique, Dre Choinière, pense que pour l'instant on peut éviter la chirurgie pour son poumon. Les médecins surveillent toujours s’il y a des signes d'infection : globules blancs, température, couleur des sécrétions, etc., mais tout semble bien aller de ce côté, pour l'instant. Ils diminuent aussi graduellement l'aide qu'elle reçoit de son respirateur dans le but éventuel de la sevrer, mais cela se fera doucement.

 

Donc, cette semaine devrait être celle où l’on se concentre sur son éveil.

J'essaie de rester positive même si je suis remplie de craintes, de peurs et d'incertitudes.

 

Maintenant, je peux rester dans sa chambre aussi longtemps que je le veux durant les heures de visite. Depuis hier, j'ai pris une petite pause, j’ai trouvé des gardiennes afin d'avoir un peu de temps pour faire mes affaires. Je suis allée faire un tour à la maison, mais je tourne en rond et je n'ai plus envie de rien faire chez-moi. J'en ai donc profité pour prendre un bon repas et me coucher tôt et je suis repartie plus tard pour passer un peu de temps avec elle au cours de l’après-midi.

 

J'appréhende un peu le changement de garde, comme d'habitude j'essaierai de voir le Dr Giasson aujourd'hui afin de savoir comment il envisage le transfert d’Élianne à son successeur.

 

4 juillet

 

Élianne est aux soins intermédiaires depuis samedi. Elle y est très bien.

Elle a passé un examen au scanner pour ses poumons hier, je ne connais pas le résultat, je vois moins souvent les médecins, j'essaierai d'en savoir plus aujourd'hui.

Pour l’instant, ils attendent de voir si elle peut éviter l'opération qui devra, de toute façon, se faire un jour ou l'autre. Aujourd'hui, ils vont installer son tube dans l'estomac et vendredi, refaire une autre résonance magnétique pour son cerveau.

 

Quant à son éveil, elle a les yeux ouverts très souvent. On ne sait pas toujours si elle est « présente » ou pas. Elle suit parfois certains mouvements des yeux. Elle bouge de plus en plus son bras droit, un peu, mais beaucoup moins celui de gauche. Elle bouge parfois sa tête et elle réagit beaucoup aux sons.

 

Elle manifeste beaucoup d'émotions : tristesse, pleurs, anxiété, son visage exprime tout cela de façon régulière entrecoupée de périodes calmes où elle semble se reposer. Elle répond encore peu aux commandes du personnel, genre « serre ma main », mais elle le fait plus avec nous. Il faut dire que nous lui donnons le temps, nous ne sommes pas pressés et sommes très attentifs à tout ce qu'elle fait.

 

Son infirmière d'hier soir, Angie (elle porte bien son nom, elle est un « ange »), m'a expliqué, car je m'en inquiétais, que pour sortir des soins intermédiaires il faut être complètement sevré du respirateur depuis au moins deux ou trois jours. Cela me laissera le temps de m'organiser, car c'est le tiers-monde ici sur les étages réguliers et j'essaierai à ce moment‑là de faire transférer Élianne dans notre coin. On verra bien.

 

Quant à moi, j'essaie de penser à la façon dont il faudra que je m’organise pour survivre aux prochains mois qui m'attendent et qui seront très exigeants.

Message de Charlotte, le 4 juillet

 

Bonjour tout le monde,

 

J'ai fait un rêve particulièrement frappant dans la nuit de vendredi à samedi, et sur la demande de Jo, je le partage avec vous.

 

J'ai rêvé qu'Élianne venait me voir, en fait ce n'était pas comme si je rêvais, mais plutôt que je savais que je dormais et que je rencontrais Élianne dans mon sommeil. Elle est venue me voir parce qu'elle voulait parler à Fabiola, ma petite fille de deux ans qui est aussi la cousine et la filleule d'Élianne, et que Fabiola ne pouvait pas l'entendre. Élianne m'a demandé de dire bonjour à Fabiola de sa part, de lui dire qu'elle pense à elle et qu'elle l'aime beaucoup.

 

On a ensuite commencé à parler ensemble. Elle était très réticente à parler de son état et faisait semblant que tout allait bien, puis finalement elle m'a dit qu'elle savait que tout le monde l'attendait, mais qu'elle avait peur de revenir et qu'elle avait besoin de temps. Elle semblait ne pas savoir pour sa jambe, je ne lui en ai pas parlé. Mais je lui ai parlé de ma copine qui avait passé trois mois dans le coma et de son chum qui l'a veillée et qui était avec elle tout au long de sa réhabilitation. Puis elle m'a dit qu'un gars ne pouvait pas rester avec une fille dans cet état, que c'était impossible et qu'elle croyait que Nico allait la laisser. J'ai essayé de la rassurer, mais elle s'est renfermée puis elle m'a dit qu'il était temps pour elle de rentrer, et elle est partie.

 

Je me suis réveillée avec une drôle d'impression, mi-inquiète, mi-rassurée. Élianne n'avait pas l'air désespérée, mais elle avait peur de ce qui s'en venait.

 

Ce matin-là, j'ai serré ma petite et je lui ai fait le message : « Élianne t'aime très fort et elle pense à toi, Fabi! » Et ma fille de répondre dans son langage de bébé : « Où Élianne? Où Élianne? »

 

Élianne est dans nos pensées à chaque instant!

Elle est si belle!

Elle est si belle!

6 juillet 2007

 

Vous retrouvez ce matin une femme avec un peu plus d'énergie que durant la dernière semaine. Je suis moins inquiète et je commence aussi à penser à m'occuper un peu de moi, une chose, je l'avoue, bien difficile dans les circonstances.

 

Le commando organisé de mes amies a porté fruit et je prends quelques bonnes résolutions pour, disons les deux prochaines semaines : je me libérerai un peu de ma présence à l'hôpital, j'irai un peu plus chez-moi et je sortirai en ville, histoire de profiter un peu de mon séjour ici tant qu'à y être. En parlant d'y être, la seule chose dont je suis certaine, c'est que j'y serai longtemps...

 

La récupération générale d’Élianne évolue très favorablement, ses abcès aux poumons ont diminué de 30 %, si cela pouvait continuer, elle pourrait peut-être éviter l'opération. Elle est très stable côté respirateur, pulsation et TA. Ses globules blancs se maintiennent dans des valeurs acceptables et son hémoglobine (globules rouges) augmente graduellement.

 

Pour ce qui est de son éveil, c'est très variable et fluctuant. En général, elle est dans une période « d'émotions ». Elle démontre parfois de la tristesse (pleurs, faciès triste), de la colère (elle serre la mâchoire et prend un air fâché, nous repoussant avec son bras) et de l'anxiété. Hier cependant, elle avait des émotions positives, elle a souri et même presque rit avec ma sœur Francine et moi. Elle était toute calme et sereine en soirée hier. Elle a été très attentive lors de la venue de Laurier-Pierre, son ostéopathe préféré! Elle le suivait des yeux et a semblé apprécier le traitement, sauf quand il a bougé sa tête, elle a probablement un genre de torticolis, car sa tête est toujours à droite. Elle boude son chum! Je crois qu'elle veut tester sa limite! Toujours difficile de dire si l’on a ou pas un contact avec elle, souvent on a l'impression que oui. Ce qui est clair c'est qu'elle sourit quand je mentionne le nom de Fabiola, sa filleule!

 

La rencontre avec le Dʳ Albert mercredi a été très intéressante. J'étais avec ma sœur Chantale et il était très réceptif à ce que je lui disais. J'ai mis ça au clair avec lui, je lui ai dit que j'avais très bien compris les paroles du Dʳ Giasson quant aux résultats des examens au scanner et de la résonance magnétique, et les implications possibles de tout cela. Je lui ai dit que je serais capable de vivre pendant 18 mois, mettons, avec l'idée de regarder en arrière et de me dire que finalement, cela ne valait pas la peine, mais pas avec l'idée de ne pas lui donner sa chance de nous montrer jusqu'où elle peut récupérer. Comme le docteur venait de l'examiner avant la rencontre et que ma fille, en bonne « boquée » qu'elle est ne fait jamais rien quand c'est demandé par le médecin ou même souvent par les infirmières (elle le fait un peu avec nous), il disait avoir le sentiment qu'elle peut faire certaines choses, mais qu'elle ne veut pas. Il a demandé une consultation en neuropsychiatrie, j'ai rencontré le neuropsychologue et sa stagiaire et l’on a parlé d'Élianne, il va rester dans le dossier et suivre l'évolution.

 

Élianne passe une autre résonance magnétique aujourd'hui, ils veulent voir si l'œdème est finalement parti. Marie et Pierre ont trouvé des articles qui semblent bien intéressants sur le cerveau dans une revue française achetée à Paris, de nouvelles études depuis plus ou moins 10 ans tendent à montrer que contrairement à ce que l'on a toujours cru, le cerveau peut se régénérer. Je vais commencer la lecture aujourd'hui.

 

9 juillet

 

ELLE EST SI BELLE!!!

 

Hier, ils lui ont réellement lavé les cheveux, ils ont défait sa queue de cheval et elle avait ses cheveux tout propres bien étalés sur son oreiller, pendant un moment, elle était toute calme et elle m'a paru si belle. C'est elle qui me donne la force de continuer!

 

Comme promis, je suis allée chez‑moi samedi soir, j'étais bien jusqu'à 11 h dimanche. J'avais terminé ce que je devais faire et j'avais ben de la misère à juste « ne rien faire ». J'ai réalisé qu'être éloignée me rend plus pessimiste quant à l'avenir, hier j'étais plus « concentrée » sur le négatif que sur le positif et dès que je la vois, je m'apaise et vois les choses de façon plus optimiste. Je vais travailler ça cette semaine, pouvoir m'éloigner sans paniquer!

 

Renaud a téléphoné samedi et il a pu parler à sa sœur. Elle l'écoutait et quand il a eu fini, elle pleurait un peu. Élianne réagit beaucoup aux voix, je suis persuadée qu'elle nous reconnait et reconnait les gens, sa réaction est bien différente et appropriée selon qui est là. Pour les gens qu'elle connaît moins, elle fait un air de « qu'est-ce qu'elle fait là celle-là » très éloquent. Elle sourit parfois, a même rit à deux reprises (entendons-nous, elle n'émet aucun son), elle pleure souvent, elle manifeste de l'anxiété et de la colère. L'anxiété et la colère ont en commun de la faire bouger, elle bouge beaucoup son bras droit dans ces moments‑là, et le jour quand elle agrippe sa sonde urinaire qui semble la déranger beaucoup (c'est normal, c'est ben fatiguant une sonde) je ne crois pas qu'elle lui résistera. Elle ne peut pas parler, elle est pas mal prisonnière de son corps et je crois qu'elle s'inquiète de ce qu'elle pourra faire ou non avec ce corps qu'elle doit percevoir et ressentir de façon bien négative.

 

Depuis hier, ils font des essais, réussis ceux-là, avec le « collier trachéal », ils enlèvent complètement le respirateur et mettent une petite tente à oxygène sur sa trachée, donc, elle respire seule. Elle a fait un essai de 90 min le matin et un de deux heures le soir, cela s'est bien passé. C'est le chemin vers la libération de cette grosse machine, cela se fera graduellement. Ses globules blancs (signe d'infection) continuent de baisser ce qui est très bien, ses globules rouges (pour mieux l'oxygéner et lui donner de la force pour bouger) continuent de monter. Elle ne fait pas de température. Sa plaie à la cuisse semble bien guérir. Je lui ai mis hier soir de l'onguent aux herbes de la Clef des Champs sur ses fesses à cause des rougeurs et après une seule application j'ai vu une bonne différence (cette publicité est offerte gratuitement à mon amie Marie!!). En plus du Bio‑K+ que je lui ai fait prescrire depuis le début, le Dr Albert a accepté de lui prescrire des oméga 3, elle a donc commencé à en recevoir hier et là je vais travailler à lui faire prescrire du ginkgo biloba qui est une plante extraordinaire pour le cerveau, mais qu'il faut doser adéquatement pour elle, car cela pourrait interagir avec son héparine pour éclaircir son sang. Marie m'a remis de la documentation scientifique là-dessus et je vais la faire lire à son médecin. En parlant de médecin, changement de garde aujourd'hui, j'ai bien hâte de voir qui prendra la relève.

 

Résultats de la résonance magnétique pour son cerveau effectuée vendredi : c'est pas mal pareil, le petit œdème qui restait est encore là, ils pensaient qu'il diminuerait en contrôlant mieux sa pression artérielle, mais il semble que non, c'est le temps qui le fera disparaître. De plus, il y a possiblement une petite collection de liquide dans le lobe frontal droit, si elle grossit, ils iront le ponctionner.

 

Charlotte et la petite Fabiola arriveront demain et Élianne pourra les voir jeudi, on prendra les précautions nécessaires afin qu'un petit virus africain ne soit pas au rendez-vous! Aussi, Élianne commencera à faire de l'ergothérapie et de l'orthophonie aujourd'hui. De plus, Laurence (la fille d'Anne) qui est aussi ergothérapeute m'a offert des services supplémentaires. Elle est bien gâtée ma fille et nous aussi, merci à vous tous pour votre généreuse présence (à souligner que votre présence même seulement en pensée est un gros plus pour nous), c'est très réconfortant de vous savoir si nombreux à nous accompagner.

 

J'allonge un peu ce courriel en vous faisant partager un message qu'Élianne a reçu des gens du Café Cité (Café Honey) où je vais souvent.

« Bonjour Élianne,

Une pensée et un p'tit mot afin de souligner toute l'affection que nous te portons. Un p'tit café, sis en face de l'hôpital, un voisin d'en face, quoi! Tu n'as pas encore eu le temps de nous visiter, quelqu'un d'autre ayant mis le cap sur une autre destination pour toi. Ton voyage est hasardeux, ta force, elle, est plus que certaine et ton équipage est impatient de te retrouver sous de nouveaux jours. Notre mission à nous, spectateurs indignés, j'oserais dire, consiste à prendre soin de ton équipage. Aujourd'hui, si tu le veux, un soleil dans lequel nous avons mis toute notre ÉNERGIE éclairera ton étoile à jamais. Au plaisir de te voir un jour, en personne, ces yeux de feu. »

Et c'est signé Steve, Eugénie, Claudia et Delphine et accompagné d'une toile représentant une fleur-soleil avec le nom d'Élianne au centre. Je rencontre vraiment du BEAU MONDE!!!

Sorties au balcon

Sorties au balcon

11 juillet 2007

 

Le temps passe et l'état général d'Élianne continue de s'améliorer. Elle a passé huit heures hier sans respirateur, soit deux séances de quatre heures et ça semble bien aller. Ils ont finalement enlevé le collet cervical qui maintenait sa tête depuis tout ce temps et c'est bon de voir son cou dégagé.

 

Elle fait de l'ergothérapie et de la physiothérapie tous les jours de la semaine. L'ergothérapeute, Myriam, a réussi à « communiquer » avec Élianne. Elle lui a montré une façon de dire oui et non avec ses yeux et d'après elle (moi, je le sais déjà) Élianne comprend tout ce qu'on lui dit. Ça fait deux jours qu'elle voit Myriam et elle a aussi réussi à lui faire faire quelques petites choses sur commande. À part ça, pendant la physiothérapie, Élianne grimace beaucoup, tout son corps étant pas mal ankylosé. Ce n'est pas drôle pour elle, plutôt paniquant de se retrouver comme ça incapable de bouger et de communiquer.

 

Je rencontre le médecin aujourd'hui pour ma réunion hebdomadaire et pour lui poser toutes mes questions. J'aimerais savoir s'ils vont lui repasser un scanner thoracique pour voir si les abcès aux poumons ont encore diminué et surtout savoir quand et comment va se dérouler le transfert à l'étage. Je vous en reparlerai, d'après Myriam, elle devrait avoir une chambre individuelle, car son état l’oblige, une chambre à deux lits entraînerait trop de stimulations et cela l'empêcherait de se concentrer. Je l'espère bien, car comme nous devrons être encore plus présents en raison de la piètre qualité des soins sur les étages, il nous faudra un minimum d'espace vital!

 

13 juillet (vendredi)

 

Espérons que la date ne nous portera pas malheur!!!

 

Il y a comme ça des journées « plus » et des journées « moins ». Mercredi était une journée « plus » et jeudi, une journée « moins ». Je parle bien sûr de l'état d'éveil d'Élianne. Mercredi, ils l'ont assise dans le fauteuil et cela changeait toute la perspective, autant pour elle que pour nous. Elle était bien présente, attentive, « communicative », et elle répondait à de petites demandes simples comme serrer la main et elle manifestait assez clairement son acquiescement en fermant ses yeux. Ils ont fait un examen au scanner de ses poumons qui montre encore une diminution de l'abcès et une très nette régression des deux autres lésions.

 

Petite anecdote : mercredi, après avoir fait cinq heures sans respirateur et avoir passé presque trois heures dans le fauteuil, elle était fatiguée. Cependant, quand la physiothérapeute lui a demandé si elle voulait quand même faire ses exercices, elle a eu l'air de dire « oui ». Elle grimaçait en masse durant la séance et regardait Denise, la physiothérapeute, avec un regard assez féroce. Serge, son entraîneur de vélo qui était présent, nous a dit reconnaître ce regard du genre « OK, tu me fais c____, mais je vais le faire pareil!!! »

 

Son amie Virginie a profité du fait qu'elle était dans le fauteuil pour finir de lui démêler les cheveux et les attacher, elle a eu l'air d'apprécier.

 

Le Dʳ Bellemare, que j'ai rencontré mercredi, est vraiment très gentil. Il prend le temps de voir Élianne longtemps lors de sa tournée et il passe pas mal de temps à l'observer. J'ai parlé avec lui, ainsi qu'avec le travailleur social, de mes craintes quant au transfert à l'étage, ils comprennent mes préoccupations et ils m'ont rassuré en me disant qu'ils en tiendront compte. De toute façon, le Dʳ Bellemare m'a dit que le transfert aura lieu seulement la semaine prochaine.

 

Elle passe des périodes de temps plus longues sans respirateur. Hier, c’était huit heures. Ce fut aussi une moins bonne journée, car elle était fatiguée après sa physiothérapie et l’examen au scanner. Elle était à jeun pour son opération visant à recoudre sa cuisse (opération qui a finalement été reportée à aujourd'hui, en fin de journée), elle était peut-être épuisée par le fait de respirer seule, toujours est-il qu'elle était plus amorphe, bougeait moins et communiquait moins.

 

Et le soir, elle était complètement droguée, car elle avait reçu du propofol pour une bronchoscopie afin de voir l'état de sa trachée et de changer sa canule de trachéotomie. Donc ce fut une journée moins intéressante côté éveil.

 

Si c'est possible ce matin, je demanderai qu'ils l'assoient encore dans le fauteuil, on verra. Hier soir, elle faisait un peu de température, mais c'était redevenu correct en début de nuit. L’infirmière m’a dit qu'elle réagissait moins que les autres nuits quand ils la tournaient, elle doit cuver encore son propofol, ça ne lui prend pas grand-chose.

 

16 juillet

 

Hier, Élianne a fait une première sortie dehors. Je ne l'ai pas vue, c'est Nico et Mylène qui l'ont amenée, mais il paraît qu’elle a apprécié et ne voulait plus rentrer. C'est du moins ce qu'elle a pu leur faire comprendre avec ses yeux. Je crois que pour elle, cela doit signifier qu'elle est « vivante »!!!

 

Maintenant, Élianne peut s’assoir dans le fauteuil deux fois par jour, ils la soulèvent avec un élévateur et elle s'assoit dans un genre de gros La-Z-Boy (ben cheap). Elle passe ses journées sans respirateur, avec juste de l'oxygène en plus sur sa trachéo, ils ont donc juste branché une bonbonne d'oxygène pour aller dehors et débrancher tous les fils du moniteur. Son état est suffisamment stable pour se passer de monitorage en continu. Et le Dʳ Bellemare a donné sa permission pour qu'elle puisse aller au balcon près de sa chambre pendant 20 minutes. Il paraît que la bonbonne était vide au retour, ils ne s'en sont pas aperçus et elle a donc respiré un peu de l'air ambiant ce qui a fait baisser son taux d'oxygène, mais de façon temporaire et sans conséquence. Je vais essayer de l'amener dehors plus souvent.

 

Son état d'éveil est généralement bon, elle a de bonnes périodes « d'absences », mais elle revient vite et elle peut se concentrer pendant quelques minutes sur quelque chose. Quand elle est dans de bonnes dispositions, on fait des exercices pour bouger ses doigts. C'est bien certain que côté mouvements, on part de très loin! Elle traverse encore une période bien émotive, elle est plus anxieuse (qui ne le serait pas) et parfois bien envahie par cette anxiété. Je crois que cette semaine, elle travaillera fort en physiothérapie et en ergothérapie.

 

Elle n'a toujours pas été opérée à la cuisse, c’est une vraie farce! Elle a été en attente sur le programme opératoire jeudi, vendredi et samedi. Cela signifie qu'elle n'était pas nourrie, au cas où..., et cela a eu comme conséquence que son tube de gastrostomie s'est bloqué et qu'ils ont dû le changer, sans compter qu'elle n'est déjà pas forte et qu’elle n'a pas mangé pendant trois jours. Samedi, le Dʳ Bellemare s'est fâché après le personnel de la salle d'opération et il a fait reprendre le gavage en leur disant qu'il l'arrêterait quand ils pourraient lui donner une date et une heure fixe.

 

Aujourd'hui, c'est le Dʳ Marsolais qui prend la relève. Je vais demander un rendez-vous avec lui dès demain, car j'appréhende pas mal le moment où ils la sortiront des soins intermédiaires, ce qui devrait arriver cette semaine quand elle aura passé au moins une période de 24 à 72 heures sans respirateur.

 

Je vous redonne des nouvelles au courant de la semaine, dès que les choses vont bouger un peu plus ou que j'en saurai davantage. En attendant, les consignes pour les visites restent les mêmes : aviser avant, surtout si vous voyez Élianne vous devez vous limiter à 2 ou 3 personnes, en plus de nous dans la chambre, afin de lui éviter trop d'émotions et de stimulations en même temps.

 

PASSEZ TOUS UNE BONNE SEMAINE, ON PENSE AUX DOIGTS ET AUX BRAS D'ÉLIANNE QUI DOIVENT RÉAPPRENDRE À OBÉIR À SON CERVEAU, ET À SES POUMONS QUI DOIVENT CONTINUER DE GUÉRIR.

 

19 juillet

 

Deux mois exactement aujourd'hui, honnêtement, je n'aurais pas pensé en être encore là! C'est bien certain que je ne peux m'empêcher de voir tous ceux et celles qui sont entrés et sortis des soins intensifs et de constater comment ils sont et de faire des comparaisons... je suis inquiète.

 

Je serai assez brève ce matin, les choses étant plutôt stationnaires ces jours-ci. Peu de changements cette semaine, Élianne est pas mal anxieuse et angoissée, cela semble l'habiter tout le temps et l'empêche d'avancer. Elle est toujours en sevrage du respirateur, hier elle a passé presque 24 heures sans en avoir de besoin.

 

Elle a été opérée à la cuisse mardi matin. Cependant, elle était pas mal enflée hier. Ils vont lui faire une échographie ce matin, probablement qu'il y a une collection de liquide (sang ou autre) à l’intérieur de sa cuisse.

 

J'ai rencontré le médecin qui s’occupe d’elle cette semaine, le Dʳ Marsolais. Il trouve qu'Élianne semble communiquer pas mal, quand elle le veut bien sûr, elle met parfois la switch à off! Il dit qu'il ne serait pas étonné que dans quelques semaines, avec le travail de l'ergothérapeute, elle puisse communiquer davantage. Quant à ses possibilités de récupération fonctionnelle, on ne sait pas.

 

Ce qu'Élianne préfère dans ses journées, ce sont les sorties au balcon en soirée. Elle apprécie vraiment et elle est généralement très calme dans ces moments-là, et par la suite aussi. Cela en vaut la peine même si c'est beaucoup de manipulations et d'installation.

 

Quant à moi, je suis pas mal fatiguée ce matin, car j'ai pris un coup (j'exagère un peu) dans ma chambre avec Lilly, la mère de Marie-Kim, une autre traumatisée crânienne. On a ben ri et l’on a fait du bitchage contre certaines infirmières, certaines religieuses et certains pensionnaires de la résidence!!! Je me suis couchée trop tard! Mais ça m’a fait du bien.

 

Je ne pense pas réécrire avant lundi, on reste en contact, prenez-soin de vous!

Encore des complications!

Encore des complications!

Message de Charlotte, le 20 juillet 2007

 

J'ai passé plusieurs heures avec Élianne hier. Elle a eu une journée et surtout une nuit difficiles. Sa plaie à la cuisse s'était rouverte en journée et ils ont dû l'opérer pendant la nuit, car une artère était endommagée et elle saignait. Élianne a même dû recevoir une transfusion de toute urgence, à cause d'une importante chute de pression. Jocelyne n'a pas dormi de la nuit, elle est épuisée!

 

Il faut donc encore penser très fort à nos deux combattantes courageuses, Élianne et Jocelyne.

 

Charlotte

21 juillet

 

Honnêtement, je ne pensais pas vous écrire avant lundi matin. Les choses se sont cependant compliquées depuis jeudi. Comme je vous l'ai dit, ils ont opéré sa cuisse mardi matin. Les médecins ne savent pas pourquoi, je me demande si c'est une conséquence de l'opération ou si cela aurait eu lieu de toute façon à cause du muscle nécrosé, je ne sais pas, toujours est-il qu'il y a eu un saignement important dans sa cuisse.

 

Jeudi, durant la journée, elle n'était manifestement pas bien. Sa cuisse était très enflée et l’on attendait que le radiologiste vienne faire une échographie, pour ensuite faire une ponction. Les médecins croyaient avoir affaire à une collection de sang et de liquide séreux. Élianne était visiblement inconfortable et un peu souffrante aussi, son rythme cardiaque était assez élevé toute la journée (environ 120-125). Après que j'ai insisté auprès de son infirmière, elle a daigné appeler le médecin qui a demandé au radiologiste de mettre cela à son programme le plus tôt possible. (J'en aurais long à dire sur la qualité des soins infirmiers dans ce département : elles sont jeunes, gentilles, assez compétentes pour les « techniques », mais elles semblent traiter les patients comme des numéros, du moins pour une bonne partie d'entre elles.) En fin de compte, le radiologiste n'a presque rien ponctionné, il a découvert un gros hématome et les médecins ont alors prévu d'aller en salle d'opération vendredi matin pour le retirer.

 

Je suis donc partie très inquiète pour ma pièce de théâtre, je vous avoue que je n'en ai pas trop profité, même si c'était assez drôle, j'étais fatiguée et je cognais des clous parfois. Au retour du théâtre, la bombe!

Durant la soirée, son pouls est monté à 150, ils étaient venus ouvrir la plaie à son chevet et cela saignait assez abondamment. Nico m'a téléphoné pour me conseiller de venir à l'hôpital, les résidents étaient avec elle. Elle avait fait une grosse chute de pression, elle était en état de choc, car elle avait trop saigné. Je trouve cela inconcevable que personne n'ait vu cela venir, cela fera partie de mes sujets de discussion avec son médecin. On a failli la perdre, cela a pris du temps avant de pouvoir installer une voie centrale et de la transfuser, son taux d'hémoglobine est passé de 99 à 68 en 2 jours.

 

En 24 heures, elle est retournée en salle d'opération, ils ont suturé trois petites artères. Ensuite, elle s'est fait installer un filtre dans la veine cave, car ils ont arrêté de lui administrer des anticoagulants et ils ne veulent pas qu'elle fasse une embolie pulmonaire à cause de petits caillots qui pourraient se former. Ensuite, elle est retournée passer une angiographie pour faire « emboliser » deux autres petites artères qui saignaient aussi. J'ai passé la nuit de jeudi à vendredi avec elle et je suis épuisée et inquiète.

 

Tout semble être maîtrisé pour l'instant. Le plus dur là-dedans, c'est l'impression qu’elle est revenue loin en arrière. Elle est faible, fatiguée et semble découragée. Je la comprends et je ne sais plus trop quoi lui dire. Il me semble qu'on commençait à trouver notre « rythme », il me semblait aussi qu'elle voulait avancer. Là, j'ai peur qu'elle se décourage devant cette nouvelle épreuve, pas question pour l'instant de petites sorties en soirée sur le balcon, qui lui faisaient tellement de bien, c'est un peu comme si l’on était une gang de menteurs à lui dire toute la semaine que tout ira bien... Je lui ai déjà expliqué ce qui se passait, mais je crois qu'elle lisait l'inquiétude sur mon visage, ses yeux sont assez parlants par moments. Je vais tenter de lui reparler aujourd'hui.

 

Je vous tiendrai au courant la semaine prochaine des nouveaux développements, en espérant avoir de meilleures nouvelles à vous donner.

 

CONTINUEZ DE PENSER TRÈS FORT À ELLE, IL SEMBLE QUE L'ON NE PEUT RIEN TENIR POUR ACQUIS ET ELLE A ENCORE BESOIN DE TOUTES VOS ÉNERGIES ET VOS PRIÈRES.

 

 

24 juillet

 

Le cadeau de Gilbert

 

Hier, c'était l'anniversaire de Gilbert et sa fille lui a fait un beau cadeau : elle l'a embrassé! Il était tellement content.

 

Durant la soirée, avant qu'il arrive, j'avais dit à Élianne que c'était la fête de Gilbert et qu'elle devrait s'exercer à lui donner un bec, ce que nous avons fait, je lui ai rappelé comment faire un bec avec sa bouche.

Durant la soirée, Gilbert s'est penché vers elle en lui demandant si elle voulait lui souhaiter bonne fête et elle l'a embrassé! Par la suite, elle l'a refait.

 

Maintenant ça va mieux. Ils ont réglé ses problèmes de saignement, j'ai vu que durant la nuit de jeudi à vendredi son hémoglobine était tombée jusqu'à 50!

 

Là, c'est remonté autour de 90 et c'est sur la bonne pente. Ils vont probablement la réopérer aujourd'hui pour refermer sa cuisse qu'ils ont dû rouvrir, le résident en ortho qui m'a rencontré hier m'a bien spécifié qu'elle serait étroitement surveillée, mais qu'en ce moment, ses valeurs de coagulation sont très bonnes.

 

Depuis que je suis là, j'ai toujours rassuré les parents qui s'inquiétaient de voir leur jeune contentionné, je leur ai toujours dit que c'était bon signe, qu'il bougeait suffisamment pour devoir être attaché. BEN, ON EN EST RENDU LÀ NOUS AUSSI : Élianne doit maintenant avoir le bras droit contentionné quand on n’est pas là, car elle le bouge assez bien et qu’elle risque d'arracher des